Je tournais la poignée et poussais silencieusement la porte sur ses gonds, prête à me défendre en cas de besoin.
Il n'y avait plus personne dans la petite chambre.
Cependant, tout indiquait une présence humaine.
Plus aucune trace des fleurs dans le pot de peinture, des cailloux et de tous les autres petits objets qui mettaient de la vie à la pièce. Même le mur avait été fraîchement repeint d'un blanc encore plus éclatant qu'avant.
Pas une seule trace de mauve.
Pas une seule trace de fantaisie, de poésie dans cette chambre.
Le vent se mettre à siffler furieusement à l'extérieur.
Le lit était fait, le plancher ciré, la fenêtre lavée.
Je fouillais mon pupitre. Tout y était, mais dans un ordre si impeccable qu'il était évident qu'on y avait fouillé.
Les branches du gros arbre à ma fenêtre se mirent à cogner sur le mur, battus par les rafales violentes.
Je m'approchais avec appréhension de l'armoire et l'ouvrais.
Je me retournais aussitôt, essayant de me contrôler pour ne pas faire exploser les fenêtres et déraciner le pauvre arbre battu par la fureur de la brise.
- Calme-toi, calme-toi... Il y a une... Explication.
Les larmes aux yeux, je revenais au contenu de l'armoire, où tous mes vêtements y avaient disparu et où d'autres les avaient remplacés.
Des blouses, des vestes, des jupes, des pantalons, mais surtout, surtout des robes.
Faits dans des étoffes de qualité, les vêtements étaient tout ce qu'il y avait de plus féminin et raffiné.
Je n'étais pas du genre à cracher sur de beaux habits, mais là ça allait trop loin.
Même mes souliers avaient disparus.
Je pris une des robes au hasard et réalisais avec horreur qu'elle était littéralement taillée sur mesure. Comme si on avait prit mes mesures au préalable.
En furie, je parti sans même prendre le temps de fermer ma porte et dévalais les escaliers en coup de vent.
Arrivée au deuxième, je me faufilais dans les cartiers des garçons sans écouter les protestations des garçons sur mon chemin. Je cognais sauvagement dans toutes les portes jusqu'à trouver ce que je cherchais.
- Astride, s'exclame Oliver, surprit. Vous vous rappelez au moins que c'est l'étage des garçons, ici?
- Oui, sinon je ne serais pas venue. Qu'avez-vous à dire de ça?
Je lui montre la robe.
- C'est une très jolie robe de satin vert, qui vous irait très bien d'ailleurs...
- Cessez de me narguer et dites la vérité pure. C'est vous qui avez orchestré tout ça, n'est-ce pas?
- De quoi parlez-vous, par l'Étoile?
- Le mur, les vêtements... Vous ne m'avez emmené avec vous aujourd'hui que pour retourner ma chambre à l'envers, non?
- Non, bon sang, non! Qu'est-ce qui s'est passé au juste?
- Comment savoir si vous ne mentez pas?
- Je ne peux mentir.
- C'est ce que dirait un menteur.
- Je vous assure que je suis incapable de mentir, aussi bien que vous êtes incapable de le faire avec moi. C'est là une des conséquences de mon pouvoir.
- Ah... Mais qui, alors?
- Sûrement sa Majesté. Le Roi avait manifesté, il me semble, un certain dédain pour votre garde-robe.
- De là à venir fouiller ma chambre!?
- N'oubliez pas qu'il possède techniquement toutes le contenu de ce bâtiment, toutes le contenu du royaume en fait. Mon père ne se gêne pas pour disposer des choses qu'il croit posséder. Je parlerai avec lui demain pour retrouver vos effets.
- Bien, mais qu'est-ce je fais de tous ces vêtements?
- Manifestement, ce sont des cadeaux. Je ne sais pas pour vous, mais je les trouve très jolis, j'aimerais bien vous voir les porter.
Il me fixait ardemment, comme s'il attendait quelque chose de miraculeux.
- Je ne sais pas...
- Vous ne les aimez pas?
- Ce n'est pas ça, c'est que...
- Alors, c'est réglé. Vous avez de quoi vous mettre sur le dos demain matin. Je vais voir si je peux récupérer vos anciens vêtements, je vous le promets. À votre place, je me dépêcherais de filer avant que les gardes n'arrivent. Bonne nuit, Astride.
Et il referma la porte sans plus de manière. Je suivais son conseil et filais à ma chambre.
Je soupirais de tout mon être en remettant la robe à sa place.
Le lendemain, j'étais incapable de me décider quoi mettre. J'aurai l'air ridicule, si ridicule... Je finis cependant par enfiler un chemisier et une longue jupe de velours Marine. C'était ce qu'il y avait de plus simple à mettre, mais c'était dix fois plus sophistiqué que ce dont j'avais l'habitude.
Descendre fut un supplice, tout ceux que je croisais se mettaient à chuchoter en me voyant.
Je m'assis en classe de magie, les dents serrées et les nerfs à cran.
Une main me toucha l'épaule et je sursautais.
Olivier souriait à belle dents.
- Ça vous va très bien, j'adore.
Et il reprit place. Les chuchotements décuplèrent en nombre et en volume.
Bientôt, j'entendis même certaines bribes de ces conversations.
Ils chuchotaient: « Le prince est amoureux d'Astride »
Ma poitrine se comprima.
Auguste arriva et me dit bonjour, mais je ne l'écoutait pas, recroquevillée dans ma chaise.
Les rumeurs étaient peut être fausses, mais si...
Je lançais un regard vers Olivier, qui lui n'avait pas cessé de me fixer, en souriant.
J'avais envie de disparaître dix pieds sous terre.
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Fantasy- Tome deux de « Étoile ». Astride est de retour au château avec DeFontaine, Olivier, Zara et bien entendu, le fidèle Auguste. Plus que jamais, elle devra faire preuve d'ingéniosité, les intentions du roi n'étant pas claires et Gaëlle rôdant toujou...