SIX

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Je pestais et maudissais le prince.

Des jardins à ma chambre, pas une seconde je n'ai arrêté de repousser les limites en matière de créativité pour les jurons. J'ôtais mon manteau et le jetais rageusement au sol.

En s'échouant, le manteau émis un son mat: il y avait quelque chose dans la poche.

Je me précipitais sur le vêtement aux grandes poches pour en sortir un épais roman de poche.

Olivier avait peut-être voulu m'envoyer un message, finalement.

Qu'était-ce, je devais le découvrir. La réponse ne tarda cependant pas à venir, la page de garde était estampillée aux armoiries royales.

Le message, si s'en était un, était des plus clairs, je devais me rendre à la bibliothèque royale. Je ne perdais rien à aller voir.

Mon livre en main, je suivais l'indice. J'étais bien décidée à ne pas me faire retarder, mais le sort en décida autrement. Zara remettait violemment Karelle à sa place, elle avait eu le malheur de se moquer de Valériane et la situation s'envenimait.

Je dus les séparer et réitérer à Zara de se calmer si elle voulait rester ici. J'écoutais par la suite son discours de repentir, long et bourré de remords. Je lui en était reconnaissante, mais j'aurais aimé qu'elle abrège, j'avais d'autres chats à fouetter.

Quand je réussi enfin à m'en séparer, la grande aiguille avait fait un quart de tour et je m'empressais de nouveau à la bibliothèque.

En entrant dans la pièce de rendez-vous, je tombais sur un monsieur rondouillet qui faisait office de bibliothécaire. Ses lunettes sur le nez, il était plongé dans la lecture double énorme Atlas jaunis par le temps.

Ses petites lunettes rondes rebondirent sur ses bonnes joues quand il me salua d'un air affable.

- À quoi puis-je vous être utile, mademoiselle?

- Le prince Olivier est-il venu?

- Non, je suis désolé.

Son air redevint soudainement tout sérieux et il replongea dans son livre pour couper la conversation. Cependant, je le voyais sourciller et je savais qu'il ne lisait pas réellement. Je tentais une autre approche et lui montrais le livre qu'Olivier avait mis dans ma poche.

Il leva à peine les yeux, saisi le roman et le remplaça par une lettre scellée.

Olivier devait l'avoir écrite en revenant au château. Avec mon détour à ma chambre, il avait eu amplement le temps de l'écrire et de repartir.

Je ne tirais plus un seul mot du bibliothécaire, j'enfouis donc la lettre dans ma poche et regagnais ma chambre avant le couvre-feu.

Une fois seule, je brisais le sceau et lisais avec avidité.

« Sous le saule, Vingt-trois heures et quart. »

J'y pensais à deux fois avant de décider si j'y allais. Après l'épisode de ce soir, m'inviter à une telle heure dans un espace à l'abris des regards était quelque peu louche.

Cependant, il semblait avoir quelque chose d'important à me dire et j'étais une grande fille, j'étais capable de me défendre donc j'irais.

À Vingt-trois heures dix, je me glissais silencieusement par ma fenêtre et me mouvais entre les ombres jusqu'au saule.

Pas un chat en vue, Olivier arriva à l'heure prévue.

Son nez, à part un coin de peau resté tâché du sang, aucune trace visible de mon coup de poing. Je soupçonnais qu'il y avait un peu de Valériane dans cette guérison si rapide.

- Je veux des explications.

- Pas si fort! J'ai attendu le changement de garde mais ils nous entendront de loin si tu ne fais pas attention... Tu auras des explications, mais d'autres choses pressent d'avantage.

Il sortit une petite clef de sa poche et me la donna.

- Si tu monte à l'étage des professeurs, aucun garde n'y est, il y a un escalier au bout de l'unique corridor de l'étage. Il te mènera dans le cartier des domestiques. De là, tu tournera deux fois à droite et une fois à gauche. Il y aura une tapisserie et derrière, une porte dont je t'ai donné la clef. Un passage secret mène à l'extérieur des fortifications sud. Répète.

Quelque peu sonnée par ce flot d'information inattendu, je restais longtemps muette avant de réciter machinalement les informations.

- À l'étage des professeurs, au bout du corridor, je descends les escalier, je tourne deux fois à droite puis une fois à gauche. Derrière une tapisserie, il y aura un passage qui mène au dehors.

- Bien. J'insiste sur le caractère secret de ce passage, n'en parles à personne.

- Promis... Pourquoi fais-tu ça pour moi?

J'avais du mal à suivre sa logique. Je ne comprenais pas, mais j'aurais bien aimé. Je comptais sur les doigts d'une main les gens qui avaient fait preuve d'une telle bonté envers moi. Il soupira avant de répondre.

- Parce que tu as mérité ta liberté, tu as mérité mon estime. Et tu avais raison, je ne peux convaincre le roi, alors je le contournerai.

- Alors le baiser...

- N'était qu'une diversion pour te donner le livre. Peu importe qui regardait, il n'aurait vu que le baiser. De plus, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour m'approcher assez pour te le filer sans me faire prendre. Je suis désolé, si je t'ai indisposée.

- Je déplore seulement que ce baiser alimentera les rumeurs à notre sujet...

Il eu un sourire moqueur.

- Quelles rumeurs?

- Tu sais bien. Je ne vois même pas pourquoi tu les entretiens.

- Je ne crois pas qu'elles soient entièrement fausses, pas pour moi, plus maintenant.

Sur ce, il regarda à terre et s'éclipsa sans un mot.

Je restais plantée là, me demandant encore comment réagir.

GravitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant