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Me revoilà au Célestrium, âme triste sur le petit lit froid d'une chambre aux murs immaculés.

Je m'ennuyais de chez-moi. Ma chambre où la commode et les étagères croulaient sous les trouvailles hétéroclites, les petites traces de doigts sur les murs, les pique-niques dans l'herbe folle du jardin à la chaleur de fin de journée, ma bibliothèque secrète...

Les tantes qui jacassent, le sourire à l'incisive ébréchée de maman ou les histoires de poupées chuchotées dans la chambre de Valentine.

Mon chez-moi si vivant de ses imperfections. Mon chez-moi où se trouvait mon cœur, ma famille.

Bref, la petite chambre tirée à quatre épingles me semblait bien morne ce jour-là.

Je saisi un grand sac et claquais la porte en sortant.

Quand je revins, le sac était franchement plus lourd qu'au départ.

Je déballais son contenu sur le lit.

Des cailloux, des feuilles, des boutons, une casserole carbonisée, des fleurs et un pot de peinture.

Une fois la casserole remplie d'eau et des fleurs, les boutons et les cailloux entreposés sur le bureau et les feuilles piquées dans les rideaux, j'ouvrais le pot de peinture avec la satisfaction d'y voir un violet. Un violet intense quoique très mal mélangé.

La perfection.

Je tirais de ma poche un pinceau volé par la même occasion dans les cartiers des domestiques et me mis à tracer mes fantaisies sur le mur.

Un violet exquis tranchait merveilleusement avec la blancheur du mur et bientôt le capharnaüm de motifs assiégeait le mur.

Je m'assieds pour contempler mon œuvre, pense à ma vie, soupire.

À peine m'étais-je débarrassé d'Ormad que je me retrouvais de nouveau confinée au Château. Depuis mon retour, le roi prétextait des inquiétudes à l'intention de ma sécurité pour mieux me cloîtrer entre quatre murs.

Résultat, mars pointait le bout de son nez sans que j'ai jamais pu profiter d'une pleine liberté.

Même Defontaine semblait me croire de porcelaine, depuis la mort du maître des voleurs. Je me souviens d'une conversation en particulier.

- Vous rappelez-vous ce qui s'est passé ce jour-là? Quand vous êtes devenue l'air?

- Non, je n'ai que de vagues images, mais rien de bien précis.

- C'est ce que je craignais... Tâchez d'éviter cette magie à l'avenir. Plus vous la pratiquez, plus vous aurez de la difficulté à revenir. L'air, aussi bon soit-il, n'est pas humain, ne vous égarez pas sur cette voie ou vous disparaîtrez.

Olivier s'absentait souvent des cours. Les fois où on l'appercevait, il semblait ne pas tenir en place, agité.

Auguste, seule chaleur humaine de ma vie, passait souvent du temps avec moi. Par contre, il y avait toujours Valériane qui suivait pas très loin. Je ne voyais pas pourquoi ce soudain attachement, ils n'avaient jamais été particulièrement amis, à mon œil.

Cælesti semblait m'avoir totalement oubliée, elle n'avait pas donné signe de vie depuis sa visite chez Edri Hayia. Je lui en voulais de m'avoir laissé tomber si lâchement alors que j'avais eu et avais encore besoin d'elle.

GravitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant