VINGT-CINQ

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Astride

Quelques heures plus tard, nous sortions de la salle d'audience après les négociations avec les gens de Sablentys, qui s'étaient relativement assez bien passées pour que j'en oublie quelque peu le début de la rencontre.

Pourtant, dès que je mis le pied à l'extérieur, j'aperçus Auguste qui courait à ma rencontre.

- Attends Maya! Sa majesté te fait rappeler qu'il y aura une place pour toi au Célestrium dès la semaine prochaine.

- Hum...

- Elle y sera, me coupa Cælesti.

- Bien. À lundi, alors.

Il retourna dans la salle, me laissant seule avec Cælesti et ma rage.

- Pourquoi? Tu n'aurais pas pu m'aider, Cælesti?

- Je ne voyais pas l'intérêt. Tu devra apprendre à faire face aux imprévus, seule. Et en plus, ça fait des lunes que tu me harcèle pour aller sur le terrain. Hé bien, voilà! Tu profitera de l'occasion pour apprendre ET m'aider pour finir cette interminable guerre.

- Depuis combien de temps dure-t-elle?

- Trois ans.

- Déjà trois ans? Soupirais-je, amère. Je ne pensais pas m'être absentée si longtemps.

Cælesti s'empourpra.

- Quoi?

- Astride, Olivier a déclaré la guerre le jour de ta mort, mais son père l'a détournée vers Norvallée pendant près de six mois. Comme il dépensait inutilement depuis déjà un moment, il a fallu trois ans et demi pour financer et reprendre la guerre. Tu es partie depuis sept ans.

Je flanchais sous la panique. Je manquais d'air.

Comment cela avait-il pu se produire? Comment avais-je pu manquer tant de choses?

Doucement, mon amie me serra dans ses bras jusqu'à ce que je me calme enfin. Puis, elle me repoussa gentiment et me regarda dans les yeux. Les siens brillaient comme des soleils, signe qu'elle était une étoile et pas une simple humaine.

- Tes yeux ne brillent pas comme les miens, constata-t-elle.

- C'est mal?

- Au contraire, tu te fond mieux dans la masse. Les étoiles ont toutes un signe distinctif lorsqu'elles sont métamorphosées en vivants, le tien doit être ailleurs.

- Cælesti?

- Oui, chérie?

- Que devrai-je faire, lorsque je serai au Célestrium?

- Tu suivra tes cours, comme autrefois. Tu te fera des amis, tu évaluera les points forts et les points faibles de chacun. La nuit venue, quand tu réapparaîtra dans le ciel nocturne, tu me fera un compte rendu. Éventuellement, tu trouvera l'élément qui manque au puzzle, je veux que tu trouves seule, je ne t'aiderai pas, fois.

Et ainsi se passèrent les choses. Le lundi suivant, moi, sous les traits de Maya, me rendis au Célestrium.

J'y fus accueillie par une belle femme à la peau d'un cuivre satiné. Ses épaisses boucles de jais flottaient librement au vent et ses yeux de braise avaient un éclat particulier, relique d'une jeunesse de rebelle. C'était Zara.

Non, sept ans plus tard, Zara ne s'était jamais vraiment assagie, même une fois professeure de Magie. Je n'étais pas incroyablement surprise.

Elle arqua un sourcil en m'apercevant, affichant sans vergogne une curiosité foudroyante.

- Je ne t'aurais pas déjà vue quelque part?

Pas un bonjour, pas une marque de politesse. Je m'inquiétais sur mon apparence, mais fus rassurée par mon reflet dans une vitre, j'avais encore l'apparence d'une brunette rondelette, ce qui était aux antipodes de ma vraie apparence. Alors, pourquoi me reconnaissait-elle?

- Non, répondis-je sèchement. Je suis née dans une province perdue au nord, j'ai passé une partie de mon enfance en Norvallée. Je m'étonnerais que nous nous soyons déjà vues.

- Alors tu sais parler en Norvalléen? Dit-elle, certaine de m'avoir posé une craque; Olivier devait l'avoir avertie que j'étais une menteuse à surveiller.

Je lui répondais dans un Norvalléen d'une perfection qui frisait le chef-d'œuvre. Elle fit la moue.

- Mouais... Je trouverais bien à qui tu me fais penser. Viens, je vais te faire visiter.

Elle me montra les lieux, à des années lumière de se douter que je les connaissais déjà. Elle m'expliqua un horaire de classe que je n'étais pas sensée comprendre déjà. Puis, elle m'amena à l'étage des filles.

Nous sommes passées devant la porte 315, mon ancienne chambre. La nostalgie me consuma de la tête aux pieds et je ne pus m'empêcher d'arrêter devant.

- Qu'est-ce que tu fais? S'impatiente Zara.

- À qui est cette chambre?

- Pourquoi cette question? Répond-Elle sur la défensive. C'est une chambre comme les autres, avance.

Elle me montra ma chambre, aussi blanche et froide que la précédente. Je me demandais si les murs de mon ancienne chambre étaient encore jaunes. Karelle était rendue à quoi, seize ans? Dire qu'il y a peu, c'était une enfant.

Un peu comme moi. Mais moi, je ne vieillirais jamais, je ne vivrais plus et j'avais l'éternité pour penser à ma vie pathétiquement courte.

Zara me tira de mes réflexions.

- Ohé! Voilà, Maya. Ton premier cours, Défense, commence dans une demie-heure.

- Oui, merci Zara.

- T'ES QUI BORDEL?!

Elle empoigna le réveil sur la table, me menaçant avec.

- Qu'est-ce qu'il y a?

- Je t'ai jamais dit mon nom! Comment sais-tu que je m'appelle Zara?

Je me composais un air détaché pour parer à ma panique.

- C'était dans ma lettre d'admission, regarde.

Je matérialisais une lettre dans ma main en la plongeant dans ma valise, la ressortant comme si de rien n'était. Elle le lut et me la redonna.

- Il faudra que j'en touche un mot à Auguste, question de ne pas faire de crise cardiaque chaque fois. Bon, change toi pour le cours de Défense.

Elle claqua la porte en sortant.

GravitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant