- Alors?
J'avais passé la soirée à discuter avec Olivier dans le pavillon de tout et de rien. Il avait un sens de l'humour très fin, ne pas avoir été destiné à être roi, il aurait fait un très bon troubadour. Après un fou rire particulièrement intense, le silence s'était fait et j'avais repensé à la discussion d'hier.
Je crois que lui aussi y avait repensé, puisqu'un simple mot de ma part avait semblé lui faire comprendre.
Je déplorais aussi que ce souvenir ait semblé si désagréable sur son visage.
- Il enverra des espions, ne t'en fais pas.
- Il n'a pas posé trop de question?
- Non, aucune.
Je fronçais les sourcils, perplexe.
- Ah bon? Il n'a même pas voulu en savoir un tout petit peu plus long? Pourquoi?
Tout sourire semblait s'être éteint pour toujours sur son visage. Il était désormais si froid, qu'un instant, je crus y voir son père. Il allait dire quelque chose, se ravisa.
- Vous devez être fatiguée, il se fait tard je vais vous raccompagner.
- Attendez. Je ne sais ni comment ni pourquoi, mais je m'excuse si je vous ai offensé de quelconque manière. Ne restons pas fâchés, j'en serais si déçue...
Il tenta un air qui se voulait réconciliant, mais n'y arrivait pas tout à fait.
- Vous n'avez pas à vous excuser... Je manque sérieusement aux bonnes manière en vous infligeant de tels remords. Non, je ne vous blâme pas. Je passe simplement par des moments difficiles.
- Vous voulez en parler?
- Non, vous ne comprendriez pas. Je préfère que nous ne prenions pas ombrage avec un tel sujet. Je saute peut-être du coq à l'âne, mais votre amie se plaît-elle ici?
- Zara? Je répond dans un sourire. Elle se porte comme un charme. Une semaine à peine et elle a insulté une dizaine de filles « qui l'avaient cherché ». C'est un très bon signe.
La présence de Zara était littéralement chamboulement au Célestrium. Tous le monde ne cessait d'en parler. La majorité des filles jacassaient furieusement sur sa mauvaise langue et ses manières cavalières. Les filles que Zara n'avait pas encore insultées, elles la trouvaient divertissante.
Les garçons (sauf les quelques dont elle avait eu le plaisir de froisser l'égo en remettant à sa place un sifflement déplacé) s'appliquaient à rigoler dans leurs coin quand elle sortait une obscénité.
En général, on l'appréciait.
Olivier n'avait certainement pas manqué d'assister à ses frasques, puisqu'il se mis à rire.
- Étrange que vous passiez autant de temps en sa compagnie et que vous ne vous soyez pas vexée au moins une fois...
Je crois qu'il était le seul qui pouvait le dire avec une candeur telle qu'il était impossible de se vexer de ses paroles.
- Vous savez, après avoir traversé tant de choses avec elle, j'ai appris à ne plus me vexer de ses excentricités. De plus, elle me rappelle le temps où...
- Où?
- Où j'étais libre, dis-je après un moment de réflexion. Bon, je ne l'étais peut-être pas tout à fait à ce moment-là, j'étais quand même piégée dans une bande de voleurs, mais toujours est-il que j'allais et je venais comme je voulais dans la ville durant la journée. Depuis mon retour, à part quelques sorties étroitement surveillées, je suis confinée au château.
- Confinée au château?
- Pas un garde ne me laisse sortir. La garde a dû être améliorée, puisque même mes sorties nocturnes ne passent pas inaperçues. Vous voyez, il y en a un sur le mur, deux devant la porte et un que je vois beaucoup trop souvent à mon goût, qui est présentement derrière la buisson de rose là-bas. Tous regardent dans notre direction, j'en suis persuadée.
Il regarda autour.
- C'est abominable! Je ne laisserait pas cette comédie aller plus loin! Mon père à franchi la ligne rouge, vous allez voir... Il va voir... Je vais... Je vais...
C'était bien la première fois que je le voyais ce mettre dans un tel état. Olivier était toujours calme et d'humeur égale. Il était maintenant si perturbé qu'il en perdait les mots et virait au cramoisi.
- Voyons, voyons, il n'y pas lieu de s'emporter!
- PAS À S'EMPORTER!?
Je l'obligeais à me regarder en face.
- Sincèrement, que feriez-vous?
- Je, j'irais voir le roi pour l'en empêcher.
- Le roi est le roi. Vous ne pouvez le faire plier à votre volonté, vous n'avez ni l'autorité ni les preuves. Vous lui assureriez que je suis espionnée qu'il le réfuterait et la discussion s'achèverait là.
Il sembla songeur un instant et revint brusquement à la réalité au bout de quelques minutes de silence. Il mis alors une main sur mon épaule et me jeta un regard appuyé.
- Faites-moi confiance.
Si je ne saisissais pas le message, il ne s'en formalisa pas et colla sa bouche sur la mienne.
J'essayais de me soustraire à ce baiser intempestif mais il me retenait fermement.
Furieuse, je lui envoyais un coup de pied sur le tibia et m'éloignait juste assez pour lui envoyer tout mon dégoût dans un coup de poing magistral.
Je le laissais dans le pavillon sans aucun état d'âme, le nez en sang.
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Fantasy- Tome deux de « Étoile ». Astride est de retour au château avec DeFontaine, Olivier, Zara et bien entendu, le fidèle Auguste. Plus que jamais, elle devra faire preuve d'ingéniosité, les intentions du roi n'étant pas claires et Gaëlle rôdant toujou...