Olivier
Je lisais mon courrier quand je tombais sur un rapport du Général Dumas. Ce rapport était à l'intention du Roi.
Tout d'abords, à cause de mon pouvoir d'honnêteté, je ne pu me résoudre à l'ouvrir. Pourtant... La guerre était commencée depuis déjà bien un mois que mon père me gardait toujours à l'écart. Je ne savais, pour ainsi dire, absolument rien sur ce qui se passait au front.
Et j'avais déclaré cette guerre.
Les mains tremblantes, je décachetais l'enveloppe et lu le rapport. Tout de langage codé, un externe n'aurait pas dû pouvoir le lire, mais j'avais appris le code il y a quelques années de cela, étant ami avec le scribe de mon père.
Le général, dans sa lettre, semblait presque remettre en question les ordre qu'il avait reçu du Roi. Pour peu, je l'aurais cru à la mutinerie et je me suis demandé ce que le Roi avait bien pu demander de si terrible pour se mettre à dos un homme fidèle comme Dumas.
Je n'ai compris ses motivations qu'à la toute dernière phrase.
« Attaquer Norvallée ne vous apportera que la mort et le déshonneur. »
Cette dernière information revêtait un caractère si impossible et absurde que j'envisageais que la lettre fut écrite par un autre. Mais c'était bien l'écriture tremblante de Dumas qui était couchée sur la feuille, c'était bien son seau qui sellait l'enveloppe. Je me laissais tomber dans ma chaise.
Nous étions cernés au sud et à l'est par les ennemis et mon père envoyait ses troupes battre nos seuls alliés. Je n'étais même pas déçu.
Pour être déçu, il faut avoir des espérances quelconques et je n'en avais plus depuis belle lurette concernant mon père.
J'avais perdu ce qu'il me restait de respect pour lui il y a de cela près de neuf mois.
J'entrais en trombe dans la salle du trône, où le Roi aimait tout particulièrement s'asseoir et ne rien faire. Comme s'il se gargarisait à longueur de journée avec sa supposée importance.
Il n'eût pas l'air très content quand j'arrivais sans révérences ni cérémonies devant lui. Parfait.
- Vous vous voulez attaquer Norvallée!
- En quoi mes affaires te concernent-elles, jeune insolent?
- Elles me concernent depuis que vous êtes pris d'une folie telle que vous attaquez nos seuls alliés.
- Ce ne sont pas nos alliés.
- Ils se sont retourné contre nous? Dis-je estomaqué.
- Ils ne sont plus dans notre camp.
- Vous ne répondez pas à ma question: se sont-ils retourné contre nous?
- Oui.
- Vous mentez. Vous n'êtes qu'un lâche menteur doublé d'un piètre stratège. Qui sera notre allié? Nous sommes cernés de toute part, maintenant!
- Cernés? Non. Nous avons gagné deux amis en échange de celui que nous avons sacrifié.
Ma gorge s'est serrée. Je ne voulais pas y croire. C'était d'une monstruosité inimaginable.
- Qui?
- Sablentys et la Traktérie.
Je pris un instant pour me ressaisir. Je savais qu'au moindre mouvement brusque ou à la moindre parole déplacée, je me retrouverais exilé pour lèse majesté.
- Vous n'avez pas le droit.
- Ah bon? Ne suis-je pas le roi de ce pays?
- Vous pourriez être le roi du monde et encore plus mesquin que vous ne l'êtes déjà que vous n'auriez toujours pas le droit moral de faire un crime pareil. C'est leur faute si elle...elle est...
- Si Astride est morte? Je n'en ai que faire. Mieux, ils m'ont rendu service.Elle est un poids en moins sur mes épaules.
Au diable ma vie, pour ce qu'il venait de dire, j'étais prêt à me faire exiler pour lui faire regretter.
Il y a presque neuf mois, lorsque Astride avait dévoilé son pouvoir, dès qu'il avait su qui elle était, il s'était empressé de parer à la menace. L'amie de l'Étoile... La dernière fois, ça s'était mal terminé pour le Roi.
Au fond, je crois que j'ai aimé Astride la première fois que je l'ai vue. Je regrette de ne pas m'en être rendu compte plus tôt, de ne pas m'en être rendu compte avant mon père. Il a exploité l'idée, me forçant la main pour que je la manipule et, éventuellement, l'épouse. Une façon pour lui d'avoir une emprise émotionnelle sur elle.
Il avait même été jusqu'à menacer de marier ma jeune sœur au roi Viihn de Traktérie, alors qu'elle n'avait que quinze ans. Pendant une semaine, il avait semblé si sérieux que ma mère avait tenté de faire sortir Anaïs du pays, mais mon père l'avait découvert et n'avait gracié ma mère d'une peine de mort que sous condition que je manipule Astride.
Tant de fois, j'aurais voulu m'expliquer ou mieux, l'obliger à me détester, mais je n'avais jamais eu le courage de sacrifier soit la sécurité de ma famille, soit sa compagnie. Parce que, jour après jour, je tombais en amour.
Résultat, elle était morte avec la certitude que je ne l'avais jamais aimée.
Ce jour là, quelque chose s'était brisé, le monde avait cessé de vivre à mes yeux. J'en attribuais la responsabilité à mon père. Malheureusement pour lui, j'en avais assez d'être gentil, d'être patient.
Je ne me laisserais plus jamais marcher sur les pieds.
Les poings hauts et serrés, la mâchoire tendue, j'allais me lancer dans une terrible tirade qui fut arrêtée net sec.
- Tu sais, dit-il, je vais marier ta sœur au roi Viihn.
- Bien essayé, mais il est désormais marié à Gaëlle Bellefeuille.
- Oui, mais c'est un homme disons, gourmand. Il ne veut pas que d'une femme. Ta sœur serait un cadeau d'alliés à alliés, tu comprend?
« Tu comprend que j'affirme mon pouvoir sur toi, être inférieur. Tu comprends que la moindre rébellion entraînera bien pire. Tu ne peux rien contre moi, maintenant que tu es seul. Sans Astride à tes côtés pour te défendre, tu n'es ni plus ni moins qu'un vulgaire détecteur de mensonge. Un bon à rien. »
Voilà ce qu'il voulait dire, cet odieux, tordu et profiteur.De mon côté, je comprenais que je n'étais pas seul face aux lubies dégoûtantes de mon père, je comprenais qu'il était temps de me tenir droit face à lui. Parce qu'il ne marierait pas ma sœur à ce crapaud ignoble, Cælesti la mettrait en lieux sûrs. Parce qu'il n'exécuterait pas ma mère, parce que même mon frère serait sous la protection de l'Étoile.
Dans ma tête défilaient déjà les plans de mutineries et les attaques contre la Traktérie et Sablentys.
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Fantasy- Tome deux de « Étoile ». Astride est de retour au château avec DeFontaine, Olivier, Zara et bien entendu, le fidèle Auguste. Plus que jamais, elle devra faire preuve d'ingéniosité, les intentions du roi n'étant pas claires et Gaëlle rôdant toujou...