TREIZE

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J'avais à peine pris connaissance du message que j'étais prête à partir, mon sac sur l'épaule. J'allais le sauver. Je le sauverais.

J'en profiterais peut-être pour mettre une raclée  à Gaëlle.

Ma mère me saisi le bras quand je passais près d'elle.

- Où vas-tu comme ça?

- Je vais sauver Auguste.

- Je ne sais trop ce qui lui est arrivé, mais peu importe, attend. Ne pars pas.

- Et le laisser se faire tuer!

- S'il est dans un danger si grand que tu le dis, n'y vas pas. Si nous le perdons, je ne veux pas te perdre aussi.

Je n'en revenais pas comme elle était lâche. Elle sacrifiait tout bonnement mon cousin, comme s'il n'était qu'un dommage collatéral. Comme si ma tante Vanessa n'avait pas déjà assez souffert à cause de Gaëlle. Que penserait-elle si elle savait que sa fille avait pris son fils en otage? Elle serait, à juste titre, démolie. Elle réJe réalisais alors que ma mère n'était pas que lâche, mais profondément égoïste.

- N'as-tu donc aucune confiance en moi?

- Oh, Astride... Non. J'ai confiance en toi, mais tu es si, si jeune et fragile. Il n'y a pas un an qu'Auguste lui-même te sauvais d'un danger pareil!

- Raison de plus pour l'aider. Je ne le laisserai pas tomber.

- Mais...

- Je ne suis plus une petite fille fragile, maman. C'est toi qui m'a obligé à aller au Célestrium. Je suis maintenant maître du ciel et des oiseaux. Je suis le vent, le vent est libre et aucun humain ne pourra ,hélas, me contenir. Regarde ton œuvre et repens-toi du résultat, car j'irai jusqu'à donner ma vie pour Auguste. Adieu.

Je claquais la porte en sortant. Les yeux vers le ciel, j'appelais Brume.

Je savais qu'elle seule m'aiderait sans poser de questions ou poser de jugements.

Je grimpais sur son dos et me penchais à son oreille.

- À la forteresse de Traaktérie, ma belle.

Dans un battement d'aile silencieux, elle décolla et fila dans la nuit.

Vite, vite. Je devais arriver au plus vite. Je le sauverai des griffes de Gaëlle.

Je le sauverai.

Brume atterri dans une petite forêt à l'air lugubre d'où on voyait la forteresse. L'édifice de pierre et d'acier se confondait avec la grisaille du matin et se dressait au milieu d'une vallée de roche dénudée par l'exploitation abusive d'hommes cupides. Elle était imposante comme une montagne, un implacable géant qui suintait une aura froide et malveillante.

Je laissais repartir Brume.

Je savais que les gardes devaient avoir mon signalement, je ne pouvais entrer comme ça. Heureusement, j'avais apporté tout le nécessaire dans mon sac.

Des baies de vermeille, un couteau et des haillons.

Le jus de baies de vermeille étaient réputé pour tacher la peau des jours durant. Petite, les taches rougeaudes m'avaient souvent trahies auprès de ma mère, et chaque fois elle savait que j'en avais manger jusqu'à m'en couper l'appétit. Elle ne manquait jamais de me gronder, dans ces cas là.

J'écrabouillais les baies entre deux pierres et étendais la bouillie dans mes cheveux et un peu sur mon visage. Une fois rincée, la baie vermeille aurait colorée mes cheveux en roux flamboyant et mes joues seraient plus rosées. Pour faire bonne mesure, je coupais mes longs cheveux à l'épaule et les nattais.

Personne ne m'associerait maintenant à « Astride-aux-longs-cheveux-presque-blancs-et-à-la-peau-presque-blanche ». J'enfilais mes haillons en même temps que mon nom d'emprunt: Annabelle.

C'est sous ce nom et cette apparence que je me fis embaucher à la forteresse Traakte comme boulangère.

Fair à savoir: j'étais une terrible en boulangerie.

D'ailleurs, la matrone passait souvent pour me réprimander à grandes claques en arrière de la tête.

Plusieurs fois, quand elle avait le dos tourné, je filais fouiner dans la forteresse pour trouver Auguste. Ce fut en vain, et au prix de plusieurs coups de louche sur la tête. Jusqu'à ce que, dans un corridor adjacent à la salle d'audience, je manque tomber nez à nez avec Gaëlle.

Heureusement pour moi, elle ne m'avais pas vue et j'ai pu me cacher dans un coin pour écouter ce qu'elle disait à son interlocuteur.

- Ce soir, surveillez-le bien. La traîtresse peut débouler à tout instant, je ne veux pas que la cellule numéro dix soit laissée sans surveillance pendant que je serai chez l'intendant. Est-ce clair, capitaine?

- Tout à fait, je serai...

Je n'ai même pas attendu pour le reste, je me suis empressé vers le donjon. Je n'avais pas eu le temps d'y aller, depuis mon arrivée il y a trois jours, mais je savais où il était.

Pas un garde ne m'arrêta, pas une porte n'était verrouillée. J'étais bien trop heureuse pour me méfier, j'avais retrouvé Auguste et je le ramènerais sain et sauf.

La cellule dix était vaste et sombre, à travers les barreaux je ne voyais pas grand chose de la pièce, hormis un rayon de lumière qui semblait provenir d'une fenêtre au replis d'un mur.

- Auguste?

- Astride?

- Attends-moi, je vais te délivrer.

J'aurais voulu me changer en air, mais j'oublierais qui j'étais en un battement de cil, j'avais failli ne pas revenir, la dernière fois que je l'avais essayé en cachette. Ça avait duré à peine plus de cinq secondes, mais ça avait été suffisant. En plus je n'aurais pas pu trainer Auguste au travers des barreaux avec moi.

Je crochetais tant bien que mal la serrure et me glissais dans la cellule.

Une quinzaine de pas me menèrent à l'endroit d'où venait la voix de mon cousin.

Ce n'était pas Auguste.

Le garçon qui se tenait devant moi était une montagne, il avait le regard fou. Ce garçon-là n'était pas illusionniste, il était chasseur. Un traqueur, un tueur.

C'était Hector, un Ensorceleur partisan de Gaëlle.

Je reçus un coup sur la tempe, plus fort que tous ceux donnés par la matrone, et  je m'écroulais inerte au sol.

GravitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant