DIX

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J'ai beaucoup repensé à cette discussion que j'avais eu avec Olivier par la suite. Je m'en voulais de ne pas y avoir vu plus clair.

Il était si gentil avec moi et je me contentais de le rejeter sous prétexte qu'il était le prince héritier, que cette vie ne m'intéressait pas... Mais, en un sens, ce rejet faisait de moi quelqu'un d'aussi ridicule que tous ceux qui cherchaient le prestige de sa compagnie.

Je l'avais jugé sur quelque chose de si superficiel, une chose sur laquelle il n'avait même pas emprise. Une position qui ne changerait rien à ma vie s'il était mon ami.

Et pourtant, j'avais rejeté cette voie en partant du principe que l'amitié avec un garçon était impossible en dehors des liens du sang.

Aussitôt mon erreur reconnue, je me mis à être plus sociable avec lui.

Je lui demandais comment s'était déroulé sa journée à l'heure du souper, lui envoyais un signe de la main lorsque je le croisais dans le corridor, travaillais avec lui en cours de Défense.

Je remarquais que, dès que nous étions seuls, il commençait à me tutoyer. Puis vint un jour où il commença à me tutoyer même en public, ce qui était une marque d'affection énorme, si on tenait en compte l'étiquette stricte à laquelle il devait coller. Les seules personnes qu'il avait tutoyées avant moi étaient sa sœur et son frère.

Je le voyais sous un jour plus humain, plus souriant et plus que jamais charmeur. Il n'avait jamais retenté de me séduire, mais quelque chose dans sa manière d'être était tout particulièrement agréable. Sa présence était chaleureuse, du genre avec qui on se sent tout de suite à l'aise.

J'avais appris à apprécier son sens de l'humour, son énergie toute particulière et... Et il me comprenait mieux que quiconque. Sur tous les plans, on aurait dit qu'il pouvait presque deviner la fin de ma phrase, mettre des mots sur des sentiments que je n'aurais jamais pu expliquer. En un sens, il me comprenait peut-être même mieux qu'Auguste.

Deux semaine après sa dernière visite, je revis Cælesti. Elle brillait plus intensément que jamais. Elle était si énervée qu'elle ne prenait même plus la peine de se camoufler sous une forme humaine.

- Ils ont accepté! Ils vont venir! La famille Elf au complet, la famille Mora au complet! Bon sang, ils ne m'avaient pas abandonnée... Oswald Elf pourra intercéder en notre faveur auprès de son roi, nous aurons l'armée de Norvallée à nos côtés. Et le chef des Mora, lui... Bon, c'est plus un anarchiste que d'autre chose, je ne m'attend pas à de très grandes manœuvres politiques de sa part, mais il est très bien capable de mettre la pagaille dans l'organisation de Sablentys. Ça va retarder l'ennemi, on aura enfin une chance! Annonce tout ça, annonce-le vite.

Je ne le me fis pas dire deux fois. Dès que j'en eu l'occasion, je prenais Olivier à part.

- J'ai de bonnes nouvelles.

- Je t'écoutes.

- Nous aurons de l'aide. L'armée de Norvallée sera de notre côté et quelqu'un s'occupera de saboter celle de Sablentys.

Il sembla à la fois tout intrigué et soulagé.

- Vraiment?! Comment t'as fais?

J'étais presque sur le point de me confier, avant de me souvenir que ce n'était pas mon secret, je n'avais pas le droit de le divulguer à mon bon vouloir.

- Je suis désolée je ne peux toujours pas te le dire.

- Ce n'est vraiment pas grave, dit-il avec douceur avant de se mettre à sourire. Je ne sais pas comment tu fais, mais bon sang que tu es fantastique! Qu'est-ce que je ferais sans toi!

- Hum... C'est pas moi qu...

Je ne sais pas trop quoi répondre, subitement toute gênée. Je ne sais vraiment pas pourquoi je suis si chamboulée pour si peu.

Je ne revois Olivier que le soir venu.

Il est toujours d'aussi bonne humeur quand il s'assoit à côté de moi au souper.

- T'aurais dû voir la tête de mon père, chuchote-t-il tout conspirateur. T'aurais dû voir sa tête quand je lui ai dis qu'on avait du renfort. Je pense que, pour la première fois, il m'a prit au sérieux. Il ne m'a pas vu seulement comme un enfant. Je ne te remercierai jamais assez pour ça, tu sais pas à quel point ça me facilite la vie maintenant que j'ai du respect.

Il me saisi la main, la serre affectueusement tout en me regardant droit dans les yeux avec une expression que je n'avais jamais encore vu dans son regard. C'est de l'émotion pure, encore plus forte que tout ce que j'ai vu chez lui jusqu'à présent.

Puis, soudainement, il détourne le regard et se met à manger. Je tourne la tête pour apercevoir Auguste et Valériane qui approchent. Ils n'ont décidément rien vu de tout ce qui vient de se passer.

Ils parlent de tout et de rien, ça tranche avec les conspirations de guerre entre moi et Olivier. Ils passent le dîner main dans la main, à presque nous ignorer tant ils sont dans leur bulle.

Jusqu'à ce qu'Auguste se retourne vers moi.

- Alors? T'es prête pour demain?

Sa voix est pleine de sous-entendus, mais je ne sais pas lesquels, je ne sais même pas à quoi il fait allusion.

- Comment ça, demain?

- Le bal, Astride...

Oh. Je l'avais oublié.

Auguste me regarde, un peu méfiant.

- Tu vas être présentable, non? T'as une robe, une vraie?

Je manque m'étouffer avec mon repas. Olivier rigole et se penche à mon oreille.

- Je savais que tu l'oublierais. J'ai pris la liberté de m'en occuper, elle est déjà prête.

GravitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant