Nous avions eu un après-midi de congé pour nous préparer au bal. Pour ma part, je ne voyais pas trop comment me préparer pourrait me prendre autant de temps, alors je me mis en tête d'aller voler avec Brume et de n'enfiler ma robe qu'à la dernière minute.
Malheureusement, Valériane ne se faisait pas la même idée de ce temps libre. Elle avait décidé que je nous passerions un moment « entre filles ».
Je me tus et me résignais à subir.
Je m'affalais dans un coin de la pièce, faisant mine d'écouter tous les potins qui s'échangeaient dans la chambre par le biais des filles survoltées qui entraient et sortaient de la chambre.
Ma contribution s'est résumée à aider Valériane à enfiler sa robe.
Elle s'est sur-maquillée et coiffée comme une grande fille, sinon.
Pour la forme, elle m'a proposé de l'aide pour mon maquillage et ma coiffure, je refusais. Elle semblait soulagée de pouvoir continuer à papillonner et glousser avec les autres filles de l'étage.
Je ne voyais toujours pas ce qu'Auguste pouvait bien lui trouver, elle me semblait trop légère et étourdie. L'amour a ses raisons que la raison ne connaît point, m'avait-il dit.
Mais oui, c'est ça...
Je m'éclipsais dans ma chambre, plus pour être tranquille pour me préparer. Je claquais la porte avec un soupir de soulagement. Par l'Étoile, que j'étais heureuse que les portes soient épaisses!
Sur mon lit était déposé La Robe.
Je portais ma main à ma bouche.
Je n'avais jamais vu de tissus plus somptueux. Je glissais ma main pour apprécier les délicates broderies d'étoiles et de lunes argentées sur leur ciel de soie sombre.
Une note l'accompagnait, j'y reconnu l'écriture soignée d'Olivier.
« J'espère qu'elle te plaira, j'ai aussi laissé quelques objets sur le bureau, c'est tout ce que j'ai pu sauver. »
Je me tournais vers le bureau et manquais me mettre à rire. Il croulait sous les boutons dépareillés, les feuilles d'automne séchées et les cailloux. Sur le dessus de tout ça, il y avait une chasuble tachée de peinture mauve, ma chasuble. Je réalisais alors qu'il avait dû se donner beaucoup de mal pour rapatrier le dernier survivant de mon ancienne garde-robe ainsi que les babioles qu'on m'avait enlevées au mois de mars.
Mon sourire s'agrandit d'avantage quand j'aperçus le pot de peinture rouillé qui servait de nouveau de pot de fleur. La seule différence notable, c'était que les fleurs des champs avait été remplacées par des pivoines blanc neige.
Je retournais à ma robe et l'enfilais.
Elle m'allait comme un gant, j'admirais la jupe, un torrent d'organdi qui prenait racine dans le butiner de satin parfaitement coupé. J'appréciais les épaules dégagées. Elle était le parfait mélange de douceur et de théâtralité. En un mot: parfaite.
Je ne voulais pas surcharger l'ensemble avec de lourds bijoux, une coiffure compliquée ou une masque de maquillage. Je libérais simplement les vagues de mes cheveux.
J'étais alors prête à partir quand je lançais un dernier regard sur les pivoines.
Mon cœur frissonna sous l'effet d'une émotion que je ne saurais nommer, puis j'en saisi une sans réfléchir pour la piquer dans mes cheveux.
Le pendule m'indiqua qu'il ne restait plus que cinq minutes avant le début du bal, un regard autour de moi m'appris qu'il n'y avait plus un chat sur l'étage.
J'entendais quelques retardataires bavarder en attendant leur cavalier, mais c'était tout. Le temps que je descende, ils étaient tous partis.
Tous sauf un.
Olivier, était là, dans son impeccable costume noir. Il m'offrit un sourire. C'était un sourire à couper le souffle, encore plus resplendissant que tous les autres. Ce sourire là faisait étinceler ses yeux et faisait rosir ses joues. Ce sourire là était dévastateur.
Il me détailla de la tête aux pieds avant de s'arrêter sur la pivoine dans mes cheveux.
- Bonsoir Astride.
Pas de compliments, pas de commentaires sur mon allure. Je m'en moquais, l'intonation des deux mots en disait plus long encore. Il me présenta son bras, je le saisi me laissai guider jusqu'à la salle de bal.
Un valet poussa une grande porte de verre et l'espace d'un instant, la pièce toute entière sembla retenir son souffle. Les jeunes filles et les grandes dames portaient des tissus aux nuances les plus riches, les messieurs étaient tout élégants dans leur costume sur mesure. Les flûtes de champagne tintaient, les plancher scintillaient de mille feux à la lumière des chandeliers.
Je prenais une grande inspiration, regardais discrètement vers Olivier, qui me fit un sourire d'encouragement.
C'est, je crois, un des seuls moments que je me souviens avec précision. Le reste s'est noyé dans un agréable tourbillon de musique, de rires et de couleurs vives. Je me rappelle la sensation de danser, le goût raffiné des plats.
Mais plus que tout, je me rappelle le regard d'Olivier. Ses yeux pétillaient.
Et quand le roi voulu faire un de ses assommants discours, le prince me prit doucement par la main et m'emmena hors de la salle de bal, vers les jardins.
- Où est-ce qu'on va?
Il rigole.
- N'importe où, tant qu'on évite c'est loin de mon père et de ses discours. J'ai envie de faire ce qui me plaît, ce soir.
- En même temps, la soirée est plutôt agréable, non?
- Oui... Elle est pas mal... Mais c'est pas tout à fait ce dont j'ai envie pour mon anniversaire.
- Ton anniversaire? Je croyais que c'était l'anniversaire de l'Étoile?
- Oui, mais l'Étoile est revenue le jour de mes dix-huit ans, rapelle-toi. Je célèbre aujourd'hui mon dix-neuvième anniversaire.
- Heum... Bonne fête, alors.
Le silence tomba sur nous plusieurs minutes. Je regardais le ciel étoilé et pourtant, je savais qu'il me regardait moi. Il avait tenu sa promesse, il n'avait jamais plus parlé d'amour entre nous deux. Et pourtant.
Maintenant que j'avais appris à le connaître, j'avais envie d'en savoir toujours plus. Maintenant, son statut ne me semblait plus un si grand obstacle.
L'amour, c'était de faire des sacrifices, non? Je crois que j'étais prête.
Dans un élan d'exubérance, je l'ai embrassé.
Ce soir-là, Olivier a eu le sourire accroché d'une oreille à l'autre, sa main dans la mienne. C'est passé relativement inaperçu, puisqu'Auguste venait de faire sa grande demande à Valériane.
Au milieu de cette effervescence, un seul rouage semblait bloquer. Le roi, du haut de son trône me regardait d'un drôle d'air, un sourire malicieux au coin de la bouche.
Je me demandais ce qui lui passait par la tête, ça m'inquiétait.
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Fantasy- Tome deux de « Étoile ». Astride est de retour au château avec DeFontaine, Olivier, Zara et bien entendu, le fidèle Auguste. Plus que jamais, elle devra faire preuve d'ingéniosité, les intentions du roi n'étant pas claires et Gaëlle rôdant toujou...