Gravité

VINGT-ET-UN

Olivier

- Veillez à ce qu'on ne me dérange plus, dis-je au domestique devant la porte de ma chambre. Si le roi ose exiger une autre satanée fois à me voir, me parler ou peut importe, qu'il aille se faire voir!

- Mais, monsieur...

- S'il désire trancher la tête de quelqu'un, prenez la mienne...

- Vous allez bien?

Question légitime. J'évitais habituellement d'être désagréable envers le personnel, mais j'avais eu une journée, une semaine et un mois exagérément pénibles. De toutes les façons, j'avais comploté dans son dos et initié des rébéllions parmi le peuple et les soldats, mais toutes mes tentatives étaient immédiatement étouffées dans l'œuf. De plus, le roi, à tout bout de champ, me faisait appeler dans le salle du trône pour me dire des choses tout à fait insignifiantes qui n'avaient pour but que de me faire enrager et me faire perdre du temps. Devant lui, je devais garder mon sang froid, sinon il gagnait la partie.

Je me défoulais donc sur le personnel.

- Ça ne vous regarde absolument pas.

Le remord m'envahit et je marmonnais un « bonne journée » avant de m'enfermer dans mes cartiers. Personne ne me dérangerait cette fois.

J'avais verrouillé et bloqué absolument tous les accès à mes cartiers. S'ils voulaient encore une fois me déranger, ils devraient défoncer la porte à coups de bélier ou briser une fenêtre. Deux semaines après que le roi m'avait annoncé qu'il allait marier ma sœur au roi Viihn, je n'avais toujours pas eu le temps d'invoquer l'Étoile.

Je ne voulais pas mettre le roi au parfum de sa proximité, j'avais peur qu'il n'essaie de l'exploiter. Cependant, il devait se douter de quelque chose, sans quoi il ne m'aurait pas lancé jour et nuit dans d'innombrables tâches inutiles pour me faire perdre mon temps. J'avais dû faire semblant de m'évanouir pour qu'il me laisse enfin tranquille.

Me voilà donc à invoquer l'Étoile. Le terme « invoquer » peut paraître à première vue comme dramatique et effrayant, mais je n'avais heureusement à étriper aucune chèvre. Juste l'appeler.

- Cælesti!

Je me sentais tout bête, à parler dans le vide comme je le faisais, mais elle n'était pas là, alors je répétais une autre fois.

- Cæles...

- Oh, ça va! S'exclama l'étoile qui venait d'apparaître. J'avais entendu la première fois. Que puis-je faire pour toi?

Je lui racontais toute l'histoire, l'attaque de Norvallée, le mariage arrangé d'Anaïs.

- Comment puis-je l'arrêter? Dis-je enfin.

Elle me fixa attentivement de ses yeux lumineux. J'avais dis quelque chose de mal?

- Veux-tu seulement l'arrêter? Est-ce cela que tu désire vraiment?

- Oui, enfin non... Mais... Je ne sais pas si je suis prêt pour...

- Je ne peux rien pour toi si tu ne sais pas ce que tu veux vraiment, Olivier. Réfléchis.

Je pris un moment en silence avant de formuler ma réponse.

Celle qui me brûlait les lèvres depuis des siècles. 

- Je sais ce que je ne veux pas. Je sais que le roi n'a jamais été un père pour moi, pas plus qu'il n'a été un roi pour son peuple. Je sais que je ne supporte plus de le voir créer les injustices une lieu d'y remédier. Il ne doit plus siéger sur le trône.

- Alors, tu sais ce que tu as à faire.

- Je...

- Tu es l'héritier, de toute façon. Ça devait arriver un jour où l'autre.

- Je ne crois pas que ça arrive de si tôt... Le roi n'a jamais été accommodant, ce n'est pas aujourd'hui que cela commencera! Je ne peux tout simplement arriver à l'improviste et demander, tout naïf: « Vas-t-en ». Je suis totalement incapable de mentir à cause de mon pouvoir, alors aucune manipulation n'est possible. De plus, je me refuse à le tuer. Incapable comme je le suis, je ne vois aucune solution!

Cælesti s'arrêta un moment, songeuse.

- À quoi vous pensez? Demandais-je.

- Je ne sais pas si je devrais te donner la solution... J'aurais mieux aimé que tu trouves par toi-même, mais le temps nous manque cruellement. Je vais te donner une piste, alors écoute-moi bien. Tu vas retourner étudier au Célestrium cette année.

- QUOI? POURQUOI? Quelque part à l'ouest, la guerre fait rage! J'ai des responsabilités, je n'ai pas le temps pour de telles...

- Olivier, je t'offre sur un plateau d'argent ta meilleure option. En bonus, je t'annonce que t'acharner ne t'apportera rien tant que tu n'est pas plus fort et prêt dans ta tête. Promets-moi que tu iras étudier au Célestrium.

Ses yeux incandescents me transperçaient jusqu'au tréfonds de mon âme, où une microguerre venait à son tour de sa déclarer. Ce regard perçant fut l'arme fatale qui imposa la fin de cette guerre.

Je n'avais aucune autre solution vers laquelle me tourner. J'étais malgré moi obligé de suivre ce conseil qui semblait si absurde en de telles circonstances.

- J'irai au Célestrium.