Retrouvailles

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Aradante mit sa monture au galop pour dévaler la prairie qui descendait en pente douce vers le torrent.

Le printemps montagnard illuminait la vallée de sa verdure délicate et plus que de l'herbe, c'était un tapis de pâquerettes blanches et de pissenlits jaunes que les sabots de sa jument Blonde foulaient.

Les cinq cavalières s'étaient arrêtées sur le chemin qui longeait le torrent rendu furieux par la fonte des neiges d'altitude et la regardaient venir. Puis elles mirent leurs chevaux au petit trot et vinrent à sa rencontre. A leur tête, elle reconnut Solen bien que son grand feutre cachât ses traits. Son cœur fit un bond d'allégresse. A ses côtés, légèrement en retrait avançait une jeune fée ; ses longs cheveux noirs flottant librement battaient en étendard. Derrière elle, Aradante distingua Sacha et deux autres cavalières inconnues, une fée et un homme.

Elle stoppa net sa jument, au nez de la monture de Solen et se laissa glisser à terre en même temps que lui. Elles se précipitèrent pour s'enlacer, enfouissant leur émotion dans leur embrassade prolongée ; elles retrouvaient leur sororité intacte dans la chaleur de leur étreinte.

Quand elles eurent repris leurs souffles, elles s'écartèrent et s'envisagèrent mutuellement. Aradante posa deux baisers sonores et gourmands sur les joues de son frère. Solen l'imita en retour. Les années qu'elles n'avaient pas vues passer avaient sculpté le visage juvénile du jeune homme ; il portait un petit collier de barbe qui le vieillissait. Aradante aussi avait mûri : la maternité, l'avait épanoui, les travaux de la ferme, les courses en montagnes avaient endurci ses muscles, la nourriture abondante et riche avait accentué ses rondeurs. Mais Sacha ne leur laissa pas le temps de s'attarder à se reconnaître. Déjà elle se précipitait sur Aradante pour l'embrasser et la mignoter. Les deux amies éclatèrent de rire du bonheur de se retrouver et chahutèrent un moment.

La jeune fée au côté de Solen s'approcha à son tour. Ses grands yeux noirs en amandes s'étirant vers les tempes pétillaient de malice. Sa bouche petite et ronde, couleur de fraise bien mûre frémissait de son rire contenu qui s'échappa enfin. Son trille joyeux résonna. Un kaléidoscope de réminiscences tournoyait dans l'esprit d'Aradante.

« Iris ? »

Son rire triomphant de plaisir lui confirma son identité.

« Zoé ! C'est mon nom de fée ! » Tint-elle à préciser avec fierté.

« Fichtre ! Je ne te reconnaissais pas ! Quelle belle fée ! Comme tu as grandi ! Tu es presque aussi grande que moi ! »

Elles s'embrassèrent à leur tour puis Aradante bondit en selle en s'écriant :

« Dépêchez-vous, Rochenéré nous attend. Il a du préparer un bon feu de bienvenue et la soupe doit mijoter sur le potager ! Et je pense que Névé doit trépigner d'impatience de vous connaître ! »

La forteresse dominait la vallée, nichée en son point le plus reculé. Pierres de taille et rochers bruts se mêlaient et s'intégraient pour former des murailles aussi hautes que des falaises. Elles s'étageaient en une succession de murs, de toitures et de tours pour former le point culminant de la vallée. Les voyageuses pénétrèrent dans la première cour enclose des habitations montagnardes qui formaient un village. Les maisons se blottissaient et s'épaulaient les unes contre les autres, adossées contre la roche, parfois creusées en troglodytes ou formant un mur au-dessus de la falaise. Poules et cochons s'égaillèrent sous le pas des chevaux ; les jars commencèrent par siffler sur leur passage avant de se retirer avec dignité en les voyant s'éloigner. Les villageoises saluèrent joyeusement les nouvelles venues et s'approchèrent pour les dévisager. Ce n'était pas souvent que l'on avait de la visite ce qui en faisait un évènement.

Cinq ans aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant