Une sorcière inconnue

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Varpu approchait, avec deux camarades. Si discrètes fussent-elles, Zoé les sentit.

Elle était avec Lara dans la galerie menant au réfectoire. Elles attendaient Ishtar qui fréquentait un autre cours et trouvaient qu'elle mettait du temps à arriver. Elle vit en même temps deux autres fées arriver en face. C'était un guet-apens. Une décharge la secoua ; prête à recevoir l'agression et y répondre, tous ses muscles bandés, son esprit en garde. Elle espérait qu'Ishtar n'en avait pas déjà fait les frais. Déjà offensive avant que l'attaque tombe, elle jeta ses charmes d'attaque avec colère et vivacité, un bras lancé en avant, l'autre en arrière. Ils étaient sensés immobiliser ses adversaires, mais elle était si furieuse et elle avait mis tant de haine dans ses influx magiques, qu'elle le contrôla mal ; les deux fées qui arrivaient de l'avant furent brutalement repoussées contre le mur de la galerie ; elles basculèrent en arrière et s'écroulèrent sur le dos. Le craquement de leur crâne percutant le sol retentit dans le silence qui s'était fait autour d'elles. Une traînée de sang dessinait leur chute. A l'arrière, Varpu et ses camarades furent soulevées, portées sur plusieurs mètres avant et d'être rabattues contre le sol dallé de pierres. Leurs corps décrivirent un arc violent. Leurs visages étaient déformés par la terreur et la douleur. La magie qui les portait électrisait l'air. Quand elle s'éteignit, ils s'écroulèrent mollement. Des cris d'effroi s'élevèrent alors. Les fées gisaient inanimées. Des traces de sangs sur les murs et les pavés révélaient la violence des coups.

Zoé resta un long moment en position, jambes écartées, bras à l'horizontal avant de réaliser la brutalité de son acte. Son cœur battait la chamade. Elle perçu le regard d'horreur de Lara et se redressa. Déjà les surveillantes arrivaient et faisaient circuler les élèves.

« Qu'est-ce qui se passe ? »

Zoé ne pouvait pas répondre ; elle était, elle aussi, sous le choc. Une surveillante s'était penchée sur Varpu qui reprenait ses sens en geignant de douleur. Il fallut les porter à l'infirmerie sur des brancards car aucunes ne parvenaient à se remettre debout. La médecine, arrivée rapidement, craignait une commotion cérébrale. Deux des fées se plaignaient de nausées et de vertiges.

Zoé fut conduit dans le bureau de la grande maîtresse. Abéni, sa tutrice, arriva en même temps qu'elle.

« Qu'est-ce qui t'as pris ? Tu te rends compte de ta violence ? De la gravité de tes actes ? » Il y avait autant de colère que d'effarement dans sa voix. Elle haletait, plus de frayeur que d'avoir couru pour venir. Abéni s'assura d'elle pour la conduire jusque chez la Grande Maitresse. Comme sonnée, Zoé se laissait faire.

Elle se tenait droite et fière devant Eda, la Grande Maîtresse, dirigeante de l'Ecole Supérieure de Magie. C'était une fée de taille moyenne, forte et carrée, les traits burinés d'une vielle combattante. Elle était vêtue aussi simplement que les élèves de l'école, d'une tunique de rude étoffe de chanvre et d'étroits pantalons, de chaussons de toiles et de cordes. Plus âgée que Sacha, jugea-t-elle Mais la douceur et la beauté de sa marraine ne pouvait être comparée à la dureté affichée et sans doute réelle, de cette fée qui prétendait au rang d'enchanteresse. Zoé était sensible à son aura malveillante.

« Oui, J'ai bien conscience que ma réaction étaient disproportionnée... peut-être mais... Je n'en pouvais plus... Elle n'arrêtait pas ! Que des brimades, des moqueries, des provocations... » Elle se tourna vers Abéni : « je t'avais déjà parlé du harcèlement de Varpu et de ses amies, lors de nos entretiens hebdomadaires, jusque dans vos cours. Tu n'as jamais jugé bon d'intervenir pour y mettre fin ! »

Cinq ans aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant