Visite Princière

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Pendant qu'Aradante, Zoé et sa suite s'attardait à Gypse, Régis et Sacha avaient repris la route d'abord pour Chambaran puis pour Layone.

Le Prince voyageait en grandes pompes et prenait plaisir à s'attarder auprès de la population curieuse de le voir. Questions et doléances, visites, réceptions, s'égrenaient. Il s'y pliait avec une patience et un bon vouloir qui finissait par faire bouillonner Sacha. Il aimait à rencontrer les gens et ne se privait pas de courtes sorties incognito, accompagné seulement de quelques gardes ou de Clément, son médecin et ami, pour flâner sur les marchés, se promener dans les villes ou les villages, s'installer à table dans une auberge et écouter ce qui se disait, observer ce qui se faisait. Il fallut ainsi à la caravane princière un bon mois pour atteindre Marsa.

La ville oasis s'étendait à leurs pieds, mosaïque de toits de toutes les nuances de l'ocre et carrés de verdure des jardins et patios, sertis de l'ombre des rues des ruelles. Les dignitaires, mairesse et magistrates venaient à leur rencontre en une troupe bariolée aux couleurs de la ville, bleu outremer et vert oasis, accompagnées de cavalières en nombre, pour les accueillir et de les escorter jusqu'au palais. Bannières, enseignes et oriflammes, gonfalons et étendards aux couleurs de Marsa, agrémentées de lourdes touches d'or, flottaient et claquaient fièrement dans leur course. Les cavalières et leurs juments étaient caparaçonnées des mêmes couleurs. Au loin, on aurait dit que l'oasis ondulait sous la brume de chaleur et qu'une vague bleu courait dans la plaine. Mais au fur et à mesure de leur approche, on distinguait mieux l'aspect martial de la troupe richement armée, les archères et escrimeuses côte à côte, le roulement grandissant des sabots des chevaux accompagnés du vacarme des trompettes et tambours, tandis que la troupe avançait au petit trot.

Les salutations s'éternisèrent sous le soleil brûlant pour le plus grand inconfort des visiteuses venus du Nord et qui se liquéfiaient sur place. En face d'eux, les marsalanes ne semblait afficher aucune gêne, arborant une fraîcheur de roses. L'on finit enfin par se remettre en route. La caravane princière se mêla à l'escorte de leurs hôtes et le rouge et l'or que Régis avait choisis comme couleurs furent engloutis par la vague marsalane. Elles descendirent jusque sur les rives du Roten pour entrée dans la ville en suivant les quais dégagés longeant le fleuve. On avait ordonné jour chômé, donc pas de marchandises en transit, de déchargement en cours ni de débardeurs et leurs baragouins bruyants et brutaux sur le port mais une foule joyeuse et disciplinée qui les saluait sur leur passage en poussant des vivats et lançant pétales de fleurs ou des cotillons multicolores. Alignés contre les pontons ou au mouillage dans la rade, les navires se balançaient mollement, voiles affalées, leurs matures nues et hérissées en une araigne de mats, d'élingues et de vergues.

Le Palais communal étaient situé à l'extrémité d'une esplanade qui donnait sur le port et le bassin d'eaux profondes où le Roten se confondait avec la mer. Des tentes colorées de bleu et de vert avaient été montées pour recevoir les invités, abriter les chevaux, les escadrons du prince, leurs bagages et leur intendance car le palais ne pouvait tous les recevoir. Un banquet avait été préparé pour et la troupe plus assoiffée qu'affamée s'y jeta, se désaltérant des boissons fraîches qu'elle assécha. Seule, la garde rapprochée du Prince et son ambassade pénétrèrent dans le palais. Leurs cavales furent aussitôt prises en mains, l'ambassade princière menée dans un jardin luxuriant et fleuri, murmurant d'une onde claire qui courait d'une piscine à une fontaine, d'un bassin à une cascade. Une glycine bourdonnante et parfumée envahissait une large galerie qui s'accrochait au mur de l'un des bâtiments. C'est à son ombre bienfaisante, presque froide par contraste avec la chaleur de la cour d'où elles émergeaient, que la table avait été dressée. Une farandole de mets Marsalans été proposés sur une nappe blanche pour les régaler et les désaltérer : grillades, fritures, chaussons et feuilletés de fruits, de poissons et de viande, de miel et de graines, salades, rôts et beignets, fruits frais et jeunes primeurs croquants, brioches pains et galettes, confiseries et biscuits. On mangeait à la main, en petites bouchées gourmandes cueillies dans la ribambelle de plats et de coupes disposées sur la table et pour se rafraîchir et épancher sa soif, autant de boisson que l'imagination pouvait en inventer : infusion de fleurs ou de fruits, froide ou brûlantes, décoctions de plantes, jus, vins et élixirs et suprême nectar, eau fraîche. On se rua sur les mets qui se dégarnirent rapidement. Et l'on fut rassasié quand une torpeur pesante s'abattit sur les convives en même temps que la chaleur montante de l'après-midi. Alors, on accompagna les visiteurs dans les appartements qui leur avaient été réservés pour l'incontournable sieste. Pendant le repas, les domestiques avaient déjà monté les bagages et les lits étaient prêts. Ce repas n'avait été qu'un léger encas et le véritable festin d'ouverture des rencontres était prévu pour le soir. A Marsa, les habitantes s'activaient depuis très tôt le matin jusqu'à midi, puis elles s'alanguissaient durant une longue sieste avant de s'éveiller lentement jusqu'au jour déclinant, quand la chaleur accablante du jour s'était calmée et que les corps et les esprits retrouvaient leurs vigueurs. Mais c'était surtout jusque tard dans la nuit que la vie battait son plein.

Cinq ans aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant