Cinq ans après

Léonore

Sacha arriva dans la cour du palais en même temps qu'Erasto et Nicole. Le soleil commençait à décliner, mais la chaleur était toujours aussi étouffante malgré une brise de mer plus languide que caressante.

« C'est quoi, cette cavale ? » Elle s'était plantée devant la magnifique monture du géographe. Elle ne l'avait encore jamais vu dans les écuries du palais. C'était visiblement une nouvelle pensionnaire.

« C'est le cadeau d'Ilana. » commenta Nicole.

Sacha, en bonne cavalière, admirait la beauté de la jument : sa robe grise et soyeuse était à peine souillée par la poussière et la chaleur de la chevauchée. Si le corps était d'un gris perle, doucement moirée, résultat d'un entretien méthodique de brossages et lustrages qui mettait en valeur sa fine musculature, toutes ses extrémités viraient progressivement vers le noir. Seul, l'antérieur droit, affichait une petite balzane blanche, rappelant le losange de son front. Crinière et queue d'une longueur extravagante, s'agitaient en panache. La belle encensait nerveusement sous le regard attentif de Sacha qui lui tapota amicalement la croupe et le garrot avant de venir caresser ses joues pour murmurer à son oreille attentive toute l'admiration qu'elle avait pour elle.

« Elle est de toute beauté. C'est un cadeau somptueux. »

« Il paraît qu'Ilana à un élevage. Ce sont des chevaux des sables mais on nous a dit que la robe de celle-là était exceptionnelle. D'habitude, ils sont plus clairs, tirant plus sur le sable roux que sur le gris. » Expliqua Nicole.

Erasto mit pieds a terre.

« Quand les palefrenières ont compris que c'était moi qui allait la monter, elle étaient folles de rage ! »

« Elles étaient prêtes à venir te demander des comptes. J'ai du témoigner que c'était bien un ordre de ta part ! Elle ne voulait pas le laisser monter ! » Ajouta Nicole en s'esclaffant comme si elle avait fait un bon tour.

Les fées éclatèrent de rire devant la mine scandalisée d'Erasto.

« Elles ont eu peur que ton cul mâle la souille ! » Lui lança Nicole avec malice.

« Tu veux que je te montre de quoi mon cul mâle est capable ! » marmonna Erasto, insensible à la taquinerie de la guerrière. Il s'en alla de mauvaise humeur conduire la jument à l'écurie, prenant soin d'agiter exagérément le dit cul au nez des deux fées. Nicole le suivit en riant et Sacha monta à son appartement où elle retrouva Nahid et Lula qui l'attendait, installée en chattes de faïence, l'une dans le divan, l'autre raide sur un pouf. La première se leva pour s'approcher chattemite, la seconde restant à sa place, boudeuse. Si Sacha était plus attirée par la beauté sculpturale de Nahid, elle appréciait la joliesse sensitive de Lula. L'une était d'une froideur pensive qu'elle désirait embraser, l'autre d'une caressante grâce.

Elle salua les deux fées et demanda à Lula de leur monter quelques rafraîchissements et en-cas. Elle avait à peine refermée la porte, que Nahid s'approchait d'elle, lui tournant autour avec autant de circonspection que de provocation. Elle avait l'impression d'être la proie d'une prédatrice affamée. Si elle avait eu des doutes, elle avait la confirmation : celle-ci flirtait outrageusement, déambulant lentement dans le salon, tournant et virevoltant au rythme de ses paroles, mettant en valeur, sa gorge fière, sa chevelure ondoyante, sa jambe longue et ferme, sa taille souple. Elle s'approchait, la frôlait, puis s'éloignait vivement tout en la remerciant pour les livres qu'elle avait fait mettre à sa disposition, se plaignait de l'enquête au point mort, racontait ses lectures sans presque jamais lâcher le regard de Sacha. Celle-ci sentait la chaleur de l'hypnose amoureuse monter en elle. Nahid resserrait sa ronde et accentuait son sourire mystérieux. Erasto et Nicole la sauvèrent momentanément en entrant. Lula arriva alors et elles se jetèrent sur son plateau.