Cinq ans après

Ernest

Elles se préparèrent rapidement. Elles étaient en train de déjeuner dans le patio, faisant le point sur leur enquête, quand le message de Sacha était parvenu à Aradante. Elles remontèrent s'habiller rapidement et s'armèrent, au cas où Ludina seraient chez Valente.

Elles cueillirent le jeune homme au saut du lit. Quand on vit la nuit, c'est le matin que l'on dort ! Pas de trace de Ludina. Il ne l'avait pas vu depuis plusieurs jours. Cela arrivait souvent qu'elles se croisent sans se voir. Elles ne faisaient que partager l'appartement mais ne formaient pas un couple.

Aradante le mit au courant des dernières nouvelles et des soupçons qui pesaient sur sa protectrice.

« Non ! Ce n'est pas possible ! Je n'y crois pas ! » Dit-il pour tout commentaire avec de vifs mouvements de menton destinés sans doute à renforcer sa conviction. Il mit un certain temps à comprendre que si Ludina n'était pas directement soupçonnée du meurtre, il avait peut-être servi d'intermédiaire en présentant ses gars à la meurtrière. L'horreur le saisit. Il se décomposa et s'écroula sur le premier siège venu, le visage caché entre ses mains. Aradante le houspilla et lui demanda de faire un bagage et de se mettre à l'abri. Il refusa, se redressa et s'écria avec emportement :

« Je n'y crois pas. Pas Ludina. Elle ne peut avoir fait cela. » Sa flamme s'était déjà éteinte. Il demeurait assis, cloué sur sa chaise dans la cuisine. Son regard s'évadait vers la fenêtre.

« Non ! Elle est trop... douce ou trop faible... comme tu veux, trop généreuse, pour avoir fait une chose pareille. Elle a déjà aidé plusieurs gars à arrêter en leur offrant des places où en les présentant à des fées. Et puis elle ne pratique jamais le sexe avec un homme. »

« C'est ce qu'elle dit mais il semble que quand son amante lui demande, elle le fasse... »

« C'est faux ! Je n'y crois pas. » Cria-t-il. Mais son regard la fuyait, s'égarant loin derrière elle.

« Bon si tu ne veux pas te mettre à l'abri, nous te faisons protéger. Enola et Yeter se relaieront et je vais aller trouver Ernest. Inutile de te dire que si tu la croises ici ou ailleurs, tu les préviens. Ou tu envois un pigeon à notre appartement. »

« Et tu veux que je te la livre ! »

« L'enquête officielle, c'est Sacha qui la mène, avec l'enchanteresse Portia. Moi je suis l'officieuse et si elle est innocente, je la protégerai aussi. Car dans ce cas, sa vie est en danger ; elle sait trop de choses... »

Aradante et Yeter laissèrent Enola avec Valente puis elles rentrèrent à l'appartement. Inutile de bouger en plein midi. Elles n'en avaient plus la force ; à peine avaler une boisson et un fruit et s'écrouler sur leurs couches.

Aradante commençait à se lasser de ce pays trop chaud et poisseux le jour où l'on vivait la nuit. Elle se languissait des cimes glacées de ses montagnes, de l'air vif et piquant de sa vallée... Et Rochenéré lui manquait, et le petit Névé aussi. Sacha lui avait demandé de joindre Régis à sa place ; elle partait en expédition avec Portia, devenue son acolyte. Elle profita de la sieste pour le faire et l'informa en substance que Sacha avait tapé du pied dans la fourmilière en posant un ultimatum accélérant les négociations du traité. La plupart des conseillères de la ville étaient plus ou moins complices des meurtres de prostitués. L'administration reposait sur le pillage et l'accaparement des richesses marsalanes grâce à de petits arrangements entre fées complices, principalement issues de l'École Supérieure de Magie, et accointées en une coterie solidaire. Le Prince devait se trouver prêt à faire intervenir ses forces armées en cas de rupture, si c'était le choix qu'il faisait. Il fallait convoquer une réunion pour en discuter. Régis demanda à Aradante de se tenir disponible dans la nuit et de prévenir Sacha.