Elles quittèrent la place et marchèrent de concert jusqu'au palais. Là, elles se séparèrent et Sacha remonta jusque chez elle. Elle s'amusa de constater qu'en quelques jours, ses appartements marsalans étaient devenus son logis. Elle trouva Lula dormant devant sa porte. Couchée en position fœtale, son visage coincé entre ses bras, Sacha pris conscience de sa jeunesse. Elle la secoua doucement pour la réveiller et la conduisit toute ensommeillée jusque dans l'appartement de sa suite. Puis elle rentra chez elle. Elle sentit tout de suite une présence. Nahid était endormie, elle aussi, mais avait choisi le divan, plus confortable que le plancher du couloir. Elle s'approcha. Une onde de désir la bouleversa. La belle endormie ne portait sur elle qu'une courte chemise que l'agitation du sommeil avait relevé jusqu'à la taille. Elle était lovée en chien de fusil. Voyeuse, un peu honteuse, Sacha se brûla de la beauté de sa jambe longue et fine, de la courbe de ses fesses qui se devinait dans l'ombre, de son déhanché noyé dans l'étoffe de la chemise. Remontant vers le buste, elle devinait dans l'entrebâillement de l'étoffe, la rondeur de son sein. Elle suivit la ligne sinueuse de son cou et admira la perle noire de son lobe d'oreille ; elle se perdit enfin dans la masse de la chevelure sombre qui noyait son visage. Elle se pencha et s'égara tandis que la fée tentatrice s'éveillait sous ses caresses.
Nahid avait blottit son visage contre sa gorge et déposait des petits baisers si piquants. Sa main se glissait entre ses cuisses. Son insistance réveilla Sacha et en même temps que son désir, le sentiment d'un remord cuisant. Elle tenta de repousser la jeune fée. Leurs ébats avaient commencé sur le divan mais s'étaient poursuivis au lit. Avec quelle ivresse Sacha avait goutté son désir jusqu'à sa véhémente satisfaction ! Nahid était une amante attentive et savante qui l'avait faite jouir plus qu'à son tour. Elle n'avait pas l'habitude d'être ainsi contentée et dépendante. Le plus souvent, c'est elle qui dispensait le plaisir, trouvant sa jouissance dans celle de l'autre pâmée sous ses doigts. L'image d'Aradante s'interposa. Elle repoussa plus fermement Nahid et se leva.
« Tu n'as pas aimée mes caresses ? Tu es fâchée ? Pourquoi tu t'en vas si tôt ?»
La mine de petite fille contrite qu'elle prenait exaspéra Sacha.
« C'était très bien... » Dit-elle sèchement en se levant. Sa réponse brève et froide était une gifle pour Nahid.
« Mais ? » La belle fée se redressa. Sa peau avait pris une teinte cendrée et blafarde.
Sacha se radoucit et la contempla.
« Ta beauté m'égare ! »
« La tienne aussi... » Nahid se tenait, immobile, assise sur le lit. La pâle lumière de l'aube effleurait son visage, caressait ses épaules...
Sacha se détourna et s'éloigna. Elle se déplaçait avec la souplesse furtive d'une chatte toujours aux aguets. Bien qu'ayant la trentaine bien avancée, elle ressemblait toujours à une adolescente, au corps mince, aux muscles longs et à peine dessinés, le bassin étroit, les épaules gracieuses et les seins petits, comme naissants. Sentant le regard de Nahid dans son dos, elle se dépêcha de s'habiller. Portia allait l'attendre chez Edoé.
« Où vas tu ? » Demanda Nahid d'une voix étouffée.
« J'ai un rendez-vous. »
« Avec qui ? »
« Ça ne te regarde pas. »
« Est-ce que tu m'aimes... un peu ? »
Voilà ce qu'elle avait toujours détesté dans les petits matins, après l'amour.
« Tais-toi. »
« Tu ne veux rien me dire ? »
« Le silence est d'or ! » Répondit Sacha. « Apprend à te taire ! »
Elle se retourna vivement, finissant d'attacher son baudrier. Ses yeux bleus étaient glacés mais Nahid insistait.
« Tu n'as pas confiance en moi ? » Son ton était devenu geignard, jugea Sacha importunée.
« Absolument pas. »
Des larmes se mirent à couler sur les joues de Nahid
« Tu es méchante. Moi, je t'aime ! »
Sacha avait l'impression cruellement drôle que Nahid lui jouait la comédie de l'amante éconduite et abandonnée tentant de la retenir. Elle ne sentait rien de sincère dans ses paroles. Elle avait un désagréable sentiment de dédoublement ; elle se voyait, indulgente et moqueuse, écouter et regarder la jeune fée jouer son rôle tandis que son cœur déchiré saignait de la laisser.
« L'amour est la chose la moins bien partagée... » Expira Sacha en s'éloignant à reculons.
La jeune fée s'était levée. Sa beauté, le désir, étourdissaient Sacha.
« Pourtant hier soir, tu me disais... »
« Le désir fait dire pas mal de bêtises. Ce matin, il est satisfait et j'ai retrouvé toute ma tête. »
« Es-tu sûre ? » Nahid s'approcha vers Sacha immobile et se coula contre elle. Sacha tenta de la repousser. Nahid éclata en sanglots.
« Reste ! Reste avec moi, au lieu de courir je ne sais où ? Aime-moi...»
Sacha ne savait plus si elle devait croire à ses déclarations. Son ventre chaud, ses seins soyeux épousaient son corps. Nahid était plus grande qu'elle mais elle s'était lovée contre elle et enfouissait son visage dans son cou. Le désir flambait à nouveau, de la baiser, de la posséder, de la faire râler de plaisir, de la sentir s'abandonner de volupté dans ses bras. Elle la repoussa vivement et se sauva.
Dans le salon, elle attrapa son épée qu'elle passa au fourreau. On gratta à la porte et Lula entra. Décidément, elle ne pouvait être tranquille chez elle. Elle vit le visage de la jeune fée se décomposer quand Nahid apparut dans le cadre de la porte derrière elle, nue et triomphante sous le regard de la nouvelle venue. La haine pure circulait entre elles. Lula tourna les talons et s'enfuit.
« Habille-toi ! » Lança Sacha sèchement à Nahid avant de partir.

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Cinq ans après
FantasyCinq ans après, Aradante revient ! Après avoir chassé sa mère, la Grande Sorcière Héro, Le Prince a œuvré à plus d'égalité entre les deux peuples ouvrant écoles, administration, métiers, aux hommes. Mais cela n'est pas du goût de toutes. Certaines F...