Cinq ans après

Dénouer les fils

Le conseil municipal était face à elle dans son entier. C'était seulement la seconde fois, depuis son arrivée, que Sacha le voyait ainsi réuni. Elle s'en étonna. Ilana avait jugé bon d'obliger la présence de toutes les administratrices. Sacha reconnaissait Justinia, Edoé, Portia, Talila... Mais les autres lui étaient pour la plupart inconnues, tout juste croisées une ou deux fois, à peine entrevues. Ilana se leva et fut imitée par toutes. Elle la salua et lui pria de s'asseoir, ainsi qu'aux administratrices de la ville. Sacha remarqua les verres, un pour chaque administratrice, et une série de carafes d'eau disposées sur les tables accompagnées de corbeilles de fruits frais en secs. Une longue séance était prévue, avec de quoi se sustenter. Ilana resta debout et commença par s'excuser, au nom des marsalanes et de leurs représentantes de la tentative d'assassinat dont l'Ambassadrice avait été victime la veille. La ville était en émoi et elle tenait à souligner le caractère insupportable de cette agression alors qu'elle représentait la personne même du Prince, ici, à Marsa. Son ton était grave et solennel. Elle assurait que tout allait être mis en œuvre pour découvrir les responsables de ce crime odieux dont la seule victime a déplorer était la garde du corps marsalane de Sacha. Enfin, elle annonça que le Prince avait décidé de renforcer la sécurité de sa ville et celle de son ambassadrice en envoyant des troupes en renforts.

Un brouhaha indigné s'en suivit.

Une voix s'inquiéta

« Des troupes ? Combien de guerrières ? Des chiffres ! »

« Cinq cent doivent arriver ce matin depuis le Mont Pelé. Peut-être mille suivront après demain, en provenance de Niki et de la côte... » Répondit Ilana. Sacha lui avait donné ces chiffres avant d'entrer. Elles s'étaient mises d'accord sur les informations à transmettre et le discours à prononcer. Justinia les avait vu sortir du bureau de la mairesse avec un regard inquiet et réprobateur.

Du brouhaha, on passa au désordre.

« C'est un siège ! »

« C'est une déclaration de guerre ! »

« C'est une agression intolérable ! »

« Nous sommes capables de régler nous-mêmes nos affaires... »

« Mes fées ! Je vous en prie... » Tenta d'intervenir Ilana pour calmer la grogne qui montait. En désespoir, elle frappa un violent coup de poing sur la table, qui résonna dans toute la salle. Les fées la regardèrent avec stupéfaction et elles firent silence.

« Trouvez-vous que c'est une situation normale ? Que quelqu'unes d'entre nous, présente peut-être dans cette salle, projettent d'attenter à la vie de l'Ambassadrice Princière ? Je n'ai pas l'impression que vous mesuriez la gravité de cet acte ! C'est une déclaration de guerre, en effet, et c'est nous qui en sommes les responsables ! Pour qui vous prenez-vous ? Un état indépendant qui ne doit répondre à personne de ses décisions et de ses actes ? Si telle étaient notre situation, une telle agression, en plein pourparler serait, de fait, une déclaration de guerre ! Peut-être l'est elle, effectivement pour certaines d'entre nous et il faut s'en inquiéter ! Qu'une fraction d'entre nous nourrisse de telles intentions ! Cet attentat, au beau milieu de négociations en vue d'une entente commerciale et pacifique nous place en position de faiblesse. Marsa n'est pas une cité-état indépendante, elle n'a pas d'armée, je vous le rappelle. Ce sont ses armées Princières qui assurent notre sécurité à toutes et c'est la raison de leur présence à notre porte. Nous appartenons au Territoire des Deux Peuples et nous devons nous plier à ses lois tant que cette appartenance sera maintenue. Et je tiens à le préciser, j'y tiens qu'à je pense que nous avons beaucoup à y perdre si nous faisons sécession. Sacha est restée ici à notre invitation, pour renégocier le traité de franchise et stipuler les conditions de notre attachement au territoire. Elle doit bientôt nous rendre les propositions princières dont nous devrons discuter. Mais est-il bien raisonnable de travailler plus avant sur ce projet si la majorité d'entre vous, malgré mon avis, représentantes du peuple marsalan, ne souhaite plus adhérer au Territoire et veut faire sécession ? Aussi, je vous demande, aujourd'hui, au cours de cette séance extraordinaire, d'en discuter entre nous... »