Virées nocturnes

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Aradante devait retrouver Valente à la nuit, sur une placette derrière le palais de la ville où une fontaine enchantait la tiédeur du soir. Elle goutta l'eau claire et admira les façades austères des maisons dont on lui avait dit qu'elles dissimulaient des jardins luxuriants. Valente ne la fit pas trop attendre. Cette visite nocturne de la ville était une découverte. Avec ses guerrières, elles n'avaient fréquenté que des lieux simples et autorisés... Là il s'agissait de découvrir la face cachée et trouble de la ville, ouverte aux initiées. Lieux de tous les plaisirs tarifés. Si les tenancières se montrèrent parfois méfiantes, les hôtes étaient toujours affables et accueillants. Déformation professionnelle ? Valente la menait dans leurs loges ou leurs chambres. Elle les découvrait à chaque fois dans leur plus simple appareil : se préparant pour la nuit, s'habillant, il serait plus exact de dire se déshabillant mais avec art, apprêtant leurs corps tel un outil précieux. Ce maquillage intégral était un masque de théâtre leur prêtant une nouvelle personnalité le temps de la nuit. Aradante assistait fascinée à cette transformation. Valente semblait très apprécié et respecté, mais elle sentait que son intimité avec les jeunes gens qu'il lui présenta était plus de façade, sa fraternité distante. Même s'il les défendait et tentait de les protéger des clientes maltraitantes ou violentes, tout comme des tenancières, d'ailleurs, il n'appartenait déjà plus à leur monde. Ce n'était plus un travailleur du sexe. Il était devenu indépendant et puissant, bien protégé. Aradante sentait que cette puissance ne venait pas que de sa relation bienveillante avec tout ce petit monde. Pour jouir du pouvoir et du respect, il devait détenir ce qu'on appelait monnaie, qui plus que la magie, permettait d'obtenir toute chose, dans cette ville et plus encore...

Elles finirent dans un petit bastringue charmant situé dans la ville haute, non loin d'ailleurs du domicile d'Aradante. Une villa comme un autre mais ici, c'était la compagnie des jeunes hôtes que l'on cultivait, tous plus beaux et désirables.

Un jeune homme s'approcha de leur sofa et leur demanda ce qu'elles désiraient consommer.

« Natanaël, je te présente Aradante. C'est une grande amie alors je veux que tu lui offres ce qu'il y a de meilleur. »

« Je suis ce qu'il y a de meilleur. » Répondit-il avec un roucoulement de voix basse et veloutée en se plantant devant elle et exécutant une petite révérence. Il fit un lent tour sur lui-même, exposant la marchandise, faisant rouler l'ensemble de ses muscles dans un mouvement ondoyant. Sa volte miroita des lueurs chatoyantes des chandelles qui léchèrent sa peau.

Heureusement la torchère était installée à distance de leur sofa, ménageant la pénombre. Aradante se sentait brûlante. Elle se tassa et croisa ses mains contre sa poitrine, sur la défensive.

« Je vois que tu apprécies ! »

La confusion de la jeune fée était à son maximum. A côté d'elle, Valente pouffait avec discrétion. Il fit signe à Natanaël d'arrêter son manège et lui commanda les boissons.

Le jeune homme revint, et dans un mouvement plus sobre, se pencha pour déposer sa coupe pleine d'une mixture mordorée et alcoolisée. Des effluves de cannelle et de vanille l'étourdissaient ; elle ne savait si c'était le parfum du garçon ou celui de la boisson. Il se redressa, pirouetta gracieusement sur lui même, avec une lenteur affectée qui permettait de l'admirer sous toutes les coutures. Presque nu, il était habillé en tout et pour tout d'un cache sexe qui mieux que de les dissimuler, mettait en valeur ses attributs virils ; une longue natte noir lui descendait dans le dos jusqu'à la raie des fesses qu'elle taquinait avec une insolente insistance. Son corps était oint d'une huile iridescente qui dessinait chaque détail de son anatomie, et était ceint d'une rivière de perles qui s'enroulait en méandres s'entrecroisant des pieds à la tête. Il s'éloigna d'une démarche chaloupée balançant les deux longs ciseaux de ses jambes et faisant rouler ses fesses et tous les muscles de son dos en une danse impudique et captivante.

Cinq ans aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant