Edoé

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Elle courut les venelles étroites de Marsa où les premiers marchands tiraient à bras leurs charrettes remplies de fruits et de légumes. Elle attrapa une poignée de dattes et deux grosses fraises et se régala. A son approche, les chats noirs et faméliques qui rôdaient au petit matin se carapataient en petits bonds rapides, la queue levée en épouvantail pour se faufiler à travers les soupiraux des caves ou des égouts. Les merles chanteurs la saluaient au passage. Les roucoulades des pigeons apaisaient l'air. Elle arriva essoufflée à la porte de l'hôtel particulier où habitait Edoé. Portia faisait les cent pas devant la porte cochère.

« Ha ! Te voilà. Je ne croyais plus te voir arriver. »

« J'ai eu une nuit agitée. »

« Oui... choisis mieux qui tu fréquentes. » Se moqua la grosse fée.

« Je n'ai pas choisi... » Répondit Sacha d'un air dépité.

« C'est bien là le problème. »

« Bon entrons, nous reparlerons de cela plus tard... ou pas ! »

Edoé ne fut pas surprise de les voir. Elle les invita courtoisement à déjeuner avec elle et elles s'installèrent dans le patio où les ombres de la nuit s'attardaient. Avant même que Portia n'attaqua, elle passait aux aveux.

« Oui, je connais Natanaël. Oui nous avons l'habitude de ces petites soirées et chacune son tour reçoit selon son bon plaisir. C'est une façon de créer des liens, de s'obliger mutuellement. Oui Ludina est ma régulière, ce qui ne m'empêche pas de cueillir la rose ou le lilas quand une belle occasion se présente. Et j'ai même un compagnon sous ma protection, que je ne vous présenterai pas, à moins que vous n'y voyiez un inconvénient ! »

« C'est un compagnon de pur convenance, comme Ludina avec Valente, où vous partager plus... » Ne put s'empêcher de demander Sacha avec curiosité.

Edoé la regarda droit dans les yeux et répondit sans ciller :

« Crois-tu que je sois quelqu'un qui sacrifie aux convenances ? »

« Excuse-moi de ma question idiote, sans doute ! »

Edoé hocha doucement la tête et sourit.

« J'aime le sexe sous toutes ses formes mais il m'arrive d'éprouver des sentiments et d'y être fidèle, même si c'est parfois compliqué... » Portia l'interrompit :

« Edoé, nous ne sommes pas là pour parler de ta vie privée. Comme tout le monde le sait, un jeune prostitué a été assassiné et il se trouve que votre groupe l'avait rencontré il y a peu. La nuit de son assassinat, il avait rendez-vous avec l'une d'entre vous. D'abord, je voulais savoir si c'était la première fois que vous le rencontriez ? »

« Pour ma part, oui. Je ne peux répondre pour mes amies. Ça peut vous étonner, mais je n'aime guère les amours tarifées, trop faciles ! Je préfère les préliminaires d'une bonne drague ! »

« D'accord. Confirme-moi qui était présente à cette partie. »

« Justinia, l'organisatrice, moi et Ludina, Eda et Léonore. »

« Ce sont toujours les mêmes qui se réunissent ? »

« En gros. Parfois, l'une d'entre nous ne peut venir, où nous invitons une autre personne. C'est l'organisatrice qui choisit les gars mais parfois nous lui suggérons quelqu'un. »

« Lors de vos... soirées aviez-vous déjà rencontré les autres garçons qui ont été tués. »

Portia sortit de sa veste, un rouleau de papiers qu'elle déroula, révélant le portrait au crayon des quatre victimes précédentes. Ils avaient été réalisés sur la scène de crime, après qu'on eut tenté de leur rendre un air plus présentable. Il avait été difficile d'effacer les effets de la strangulation. C'était Léonore qui lui avait fait parvenir dans la soirée, pour preuve de sa bonne volonté. Un croquis plus complet des lieux avait aussi à chaque fois été réalisé. Sacha fit savoir qu'elle désirait les consulter. Edoé se penchait pensivement sur le visage des jeunes gens.

Cinq ans aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant