Sacha se leva à l'aube. Elle voulait s'entretenir avec Régis avant que le tourbillon des visites et des audiences ne les reprenne. Elle sortit dans le couloir qui était en fait une galerie ouvrant sur un patio ; elle avait repéré la configuration des lieux la veille, et l'appartement princier situé, dans l'aile en face du sien. En se penchant au dessus de la tablette de la balustrade en pierres ajourées, elle aperçu la fontaine en mosaïque verte et le sol pavé d'un carrelage brique que la mousse jointoyait. Un charivari de chants d'oiseaux couvrait le murmure de l'eau et se tut momentanément à son mouvement.
Elle s'avança vivement à pas furtifs et gratta doucement à la porte. Ce fut Régis en personne qui lui ouvrit et la mena dans le salon. Il se laissa tomber dans le sofa et l'invita à l'imiter avant de se jeter sur les quelques fruits disposés dans une coupelle, sur la table basse.
« Bonjour, Sacha. Je t'attendais. »
Il sentait la fièvre d'une nuit blanche, l'ombre du bonheur, l'alanguissement du corps fatigué, la dolence de la séparation.
« Tu n'as guère dormi ! Dirait-on. » De longues cernes assombrissaient son regard. Ses tresses étaient a demi défaites, son collier de barbe chiffonné.
« J'avoue... J'ai toute la vie pour me rattraper ! Tu as le bonjour d'Aradante. »
Pour leurs amies, leur attachement était un mystère autant qu'une évidence qui s'imposait mais que les autres ne pouvaient comprendre totalement. Leur gémellité n'était pas une explication suffisante songeait Sacha, qui sentait plus qu'elle ne savait, que le frère et la sœur partageaient un attachement qui se situait au delà de ce qu'on appelait l'amour.
« On a placé une petite cerbère dans ma chambre. J'ai dû l'éconduire pour pouvoir dormir ! »
« Moi aussi ! Mais je ne pense pas qu'elle m'ait filé. J'ai disposé mes leurres et mes barrières comme tu m'as appris à le faire... »
Elles échangèrent leur impression : obstruction, évitement, surveillance. La mission de Sacha s'annonçait difficile.
« C'était bien, hier soir, que tu imposes tes hommes. Tu as montré ta détermination à ne pas te laisser manipuler, ton pouvoir d'agir et ton autorité princière qu'elles ne peuvent braver ouvertement... Leurs têtes qu'en elles les ont vu débarquer... » Elle en riait encore.
« Mais nous avons bien senti qu'elles n'étaient pas loin de le faire. Soit prudente ! »
« Tu me connais ! »
« Justement ! » Grimaça Régis.
« Si tu veux la paix, prépare la guerre ! Je ne suis pas sûre qu'elles soient prêtes pour un affrontement direct. Une bonne démonstration de ta force pourrait être un atout. Fais leur comprendre tu ne les laisseras pas faire à leur guise, que cela ne sera pas aussi simple... »
« Oui. Je vais renforcer les divisions armées cantonnées à Niki, aux Monts Pelés... Ostensiblement... Et peut-être quelques renforts disposés secrètement, non loin. Nous allons y réfléchir ? Qu'en penses-tu ? »
« Hum ! Ça me paraît prudent. On ne sait jamais. » Régis s'écarta de la fenêtre, où il s'était planté, observant le jardin à travers les lattes des persiennes.
« On nous a préparé une série de visites ce matin : les vergers, en haut de la ville ? »
« Et le système de pompage et de répartition des eaux. Elles en sont aussi fières que de leur port ! » Ce genre de visite n'enchantait guère Sacha. Elle aurait préféré la bibliothèque.
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Cinq ans après
FantasyCinq ans après, Aradante revient ! Après avoir chassé sa mère, la Grande Sorcière Héro, Le Prince a œuvré à plus d'égalité entre les deux peuples ouvrant écoles, administration, métiers, aux hommes. Mais cela n'est pas du goût de toutes. Certaines F...