L'INCONNU
Où était-elle ? Elle était partie, au plein milieu, mais mon corps n'avait pas encore réagi, impuissant devant cette réaction. Mes mains étaient encore tendues, écartées à la distance précise de ses hanches. Étreignant de l'air, caressant du bout des doigts du vide, je ressentais encore sa présence. Je voyais ses longs cheveux bruns, attachés, qui n'attendaient que d'être tirés pendant l'acte. Son reflet, dans l'immense miroir de la salle de bain, me laissait deviner la genèse de ses fesses. J'anticipais ses mouvements pour lui donner le maximum de plaisir. Mes gestes se firent plus précis quand, soudain, sa silhouette s'évapora, victime d'un courant d'air.
Plus là. Elle n'était pas là. Pourtant, j'avais tout bien fait, de mes tendres caresses à mes baisers ardents, sans oublier ces pincements qu'elle semblait apprécier. Son corps n'attendait plus que moi, tandis que son regard me criait son envie de m'avoir en elle. Mais sa tête pensait à autre chose, à quelqu'un d'autre... J'étais frustré et en colère. Je n'avais pas l'habitude de ne pas conclure surtout quand les affaires étaient si bien engagées. À vrai dire, cela ne m'était encore jamais arrivé.
Mes mains agrippèrent le meuble pour tente de contenir ma fureur. Je tressaillais en sentant le contact froid du meuble sous mes mains toujours brûlantes. Je me penchai en avant, relâchant la tête entre mes bras et fermant les yeux, dans l'espoir de m'apaiser. Ma respiration se fit plus régulière, mes muscles se décrispèrent. Tant d'efforts à faire à cause d'une femme. Soudainement, mon poing s'abattit contre le miroir. Cette simple pensée avait anéanti tous mes espoirs de retrouver un semblant de contrôle.
Le verre se brisa et s'écroula en une musique de rêve brisé. Le retour à la réalité, loin de cette envie charnelle, fut brutal. Des milliers de morceaux se rependirent et recouvrirent le tapis de laine rouge et sur un bout de tissu noir, sauvagement étendu à mes pieds. Distrait par cette découverte, j'en oubliais le sang qui coulait de mes écorchures et me baissai pour le ramasser. Je pus enfin distinguer la forme et ne pus empêcher un sourire, sûrement pervers, de se former.
Je caressais délicatement le fin tissu, promenant mes doigts là où résidait, il y avait peu, la poitrine de cette belle inconnue. Je soulignais les contours de fausses dentelles bas de gamme et me rappelais sa peau blanche savamment mise en avant avec ce soutien-gorge qui ne cachait aucun détail de son anatomie. Je ne pouvais pas m'empêcher de l'imaginer dans une pièce plus luxueuse, frissonnant sous les frottements de la soie, attendant que je la soulage de son désir sexuel. Tandis que mon érection gonflait à nouveau, je rangeais ma trouvaille dans la poche arrière de mon pantalon.
Mais qui est cette femme et qu'est-ce qu'elle m'a fait ? Il fallait que je passe à autre chose. Je n'allais pas laisser cette belle inconnue gâcher la dernière fête de l'été. Les brisures du miroir reflétaient mon visage, mais je ne me reconnaissais pas. Moi, me laisser manipuler comme ça par une femme ? Me laisser envoûter et ensorceler ? Le désir que je ressentais à nouveau, j'allais le soulager rapidement, et il n'était pas question que j'utilise ma main droite. Je n'avais jamais eu de mal à trouver des filles pour me satisfaire le temps d'une nuit. Aujourd'hui n'allait pas être différent.
Avant de sortir de cette petite pièce qui m'avait pourtant fait miroiter plus grand, je pris soin de bien nettoyer mes quelques blessures. Je ne voulais pas qu'une simple marque de sang repousse ma prochaine conquête. Je recoiffais mes cheveux et évacuait les dernières traces d'envie sur mon visage. Enfin, je sortis de mon portefeuille une petite fiole de parfum afin d'éliminer toute odeur féminine. J'étais prêt pour rejoindre la fête et trouver celle qui allait me faire oublier cette désagréable mésaventure.
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Succomber
RomanceEmma avait tout pour être heureuse : un petit copain adorable, un métier correctement payé et une vie paisible à Paris. Cependant, à la fois hantée par son passé et accablée par sa routine quotidienne, elle était, à l'aube de ses 28 ans, à la croisé...