Chapitre 21 - [Partie 1]

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Il était 19 heures passées en ce 31 décembre quand j'enfilais la robe bustier rouge que m'avait offerte Alexia pour mon anniversaire. En me regardant dans le miroir, je ne pus retenir la vague de souvenirs. Emportée trop violement par tous les instants de vie que j'avais partagés avec Matthieu, je laissais mes larmes couler et dévaster le maquillage que j'avais mis tant de temps à faire.

Je me voyais encore en train de descendre quatre à quatre les escaliers de son appartement, le sourire sur les lèvres et l'espoir retrouvé. Cet état d'apaisement et de soulagement ne m'avaient pas quitté pendant les deux premières semaines après notre rupture de contrat. J'avais retrouvé l'espoir, l'espoir dans la vie et j'étais de nouveau heureuse. Mais tout cela était bien trop éphémère.

Je cherchais à tâtons mon lit, soudainement aveuglée par toutes les larmes que j'avais retenues pendant trop longtemps. Quand enfin je le trouvai, je m'allongeais et me recroquevillais. Comme quand j'étais encore un enfant, je pris ma peluche de cochon, Snowball, et le serrai de toutes mes forces contre moi. Intérieurement, je remerciais Pauline qui eut l'idée de fêter la nouvelle année dans notre région d'enfance.

Je laissais libre cours à mes émotions, incapable de les retenir plus longtemps. Je suivais alors le fil de mes souvenirs, remontant inlassablement vers ce jour où tout avait basculé. Je me rappelais ce sentiment d'allégresse en poussant la porte de mon appartement. Je venais de mener à terme mon projet et je me sentais libre. Rien ne pouvait m'arrêter, j'étais une femme nouvelle, soulagée du poids du passé.

Heureuse et gaie, je sifflotais dans le couloir avant de tomber nez à nez avec ma belle-mère. Son regard froid et méchant me stoppa net. J'avais oublié que c'était le jour du déménagement de Clément. Mon bonheur affiché était complètement déplacé et j'essayais, tant bien que mal, de le cacher.

J'aidais mon ex-copain à entasser les cartons de deux ans de vie commune dans la petite Citroën de ses parents. Mon cœur se serra en voyant défiler devant moi des souvenirs de pacotilles de nos diverses excursions : le porte-clef de notre voyage à Venise, les magnets du réfrigérateur, l'album photo que je lui avais offert... Quand tout ce qui restait de notre couple fut rangé dans le coffre, je proposais à Clément de faire un dernier tout de l'appartement pour voir s'il avait pensé à tout.

Ce dernier moment seul à seul fut étonnamment moins lourd et pesant que ce que j'avais imaginé. Je lui racontais ma confrontation avec Matthieu et lui me félicitait d'être allée jusqu'au bout. Toujours soucieux de mon bien-être, il s'enquit plusieurs fois de mes sentiments. Il était persuadé, depuis le début, que j'allais regretter mes gestes. Pour l'instant, il avait tort. Je l'enlaçais une dernière fois, respirant son odeur et laissant une petite larme, discrète, couler.

J'avais fait le bon choix. Clément et moi n'étions plus que des amis, nous devions l'accepter. Il eut plus de mal que moi à tourner la page mais il se rendit vite compte que j'avais eu raison. Nous avions gardé contact, parlant de nos vies respectives, à distance, car nous n'avions pas encore osé nous revoir. Il était maintenant focalisé sur son avenir professionnel, souhaitant à court terme monter sa propre entreprise. Il avait mis en pause sa vie amoureuse même si je le soupçonnais fortement de chercher des plans culs.


Du bout des doigts, je sentis le carton rugueux de la boite de mouchoirs que je tentais désespérément, depuis maintenant plus de cinq minutes, d'attraper. Le bruit sourd qu'elle fit quand elle tomba par terre mit brutalement fin à mon espoir de l'avoir sans me bouger. Je dépliais mes membres un par à un et m'étendis de tout mon long pour mettre enfin la main dessus. Je tirais une poignée de mouchoirs et essuyais mes larmes. Si le début de cette histoire était plutôt heureux, j'anticipais déjà la fin.

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