Chapitre 17 - [Partie 2]

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Depuis plus de 45 minutes maintenant, j'attendais Emma au bar où elle m'avait donné rendez-vous. Je tournais et retournais mon verre de vin rouge entre mes doigts pour me donner de la prestance. Je n'arrivais pas à gérer mes émotions. J'étais même arrivé une heure en avance pour être sûr de ne pas être en retard.

Lorsqu'Emma m'avait confirmé le rendez-vous, la veille au soir, j'avais répété en boucle les mots que je voulais tant lui dire pour qu'elle me pardonne. J'avais tout organisé, tout orchestré, au millimètre près. Je n'avais cependant pas anticipé que mes émotions prendraient autant de place en moi.

Chaque minute qui s'écoulait sur ma montre augmentait mon rythme cardiaque. La boule que j'avais dans le ventre, mélange de tension, de stress et d'appréhension, prenait de plus en plus de place. La fatigue de ces dix derniers jours de souffrance et de tristesse avait été mise de côté pour essayer de faire plus de place à ma concentration. Je n'avais encore jamais été dans cet état, si sujet à mes émotions. Le jour du lancement de mon entreprise, j'avais été moins angoissé. Le jour où ma mère était partie, avait disparu de la circulation, j'avais ressenti moins de peine que celle que je tentais, désespérément, d'enfouir au fond de moi. Le jour de la découverte de la supercherie de Laura et de mon père, j'avais moins souffert que ces dix derniers jours.

Je multipliais les exercices de concentration et les tentatives de distraction pour empêcher mon esprit et mon corps de s'emballer. Les minutes que j'allais passer avec Emma s'annoncèrent cruciales. Je ne pouvais pas me permettre d'échouer à cause de mes sentiments. Je devais absolument garder le contrôle et éviter de succomber dans le tumulte de mes émotions. Dès que j'aperçus, au loin, cette silhouette familière que je pourrais reconnaître parmi des milliers d'autres, je sus que tous mes efforts furent vains. Pressentiment ou juste une fugace sensation ? Je ne saurais le dire mais mon cœur me criait de profiter de ces derniers moments ensemble.

Emma s'approchait de moi dans sa robe noire très professionnelle. Ses petits talons claquaient sur le sol et battaient la mesure. Ses magnifiques cheveux bruns rebondissaient sur ses épaules, couvertes d'un long manteau bleu marine. Son visage avait rougi par la vague de froid, inattendue, qui s'était abattue sur Paris depuis le début du mois de Novembre. Ses yeux donnaient l'impression d'être vidé, triste et aussi glacial. Elle avait l'air résigné. Cette expression mit à mal toutes mes résolutions, croyant avant l'heure, avoir perdu le combat sans même me battre. Lorsqu'elle s'asseyait devant moi en me saluant brièvement, je me rappelais pourquoi je l'aimais. Elle était tout simplement elle.

— Emma, soupirais-je tout en lui tendant un verre de son vin blanc préféré que j'avais déjà commandé. Merci d'être venu.

Tout en prononçant ses mots, j'essayais de retrouver ma confiance en moi qui s'était subitement envolée, à l'arrivée d'Emma, tel un oiseau effrayé. Je me remémorais le discours que j'avais appris par cœur mais les mots m'échappèrent. Quand j'essayais de mettre le doigt dessus, ils partaient se réfugier dans un coin inaccessible, loin de moi. J'étais seul. Seul devant cette créature que je vénérais. Cette femme dont j'étais tombé amoureux sans m'en apercevoir.

— Emma, je voulais m'excuser de t'avoir menti. Je n'aurais pas dû te tromper ainsi. Mon comportement était cruel et inexcusable. J'espère que tu auras la force de me pardonner tôt ou tard.

Emma ne répondit pas et dégustait, lentement, son verre de vin. Ce silence de mort me décontenançait et me forçait à parler encore et encore. Je voulais désespérément combler ce gouffre que je voyais se former entre nous.

— Je sais que je n'aurais pas dû te mentir. C'était puéril et quelque peu débile de ma part. J'aurais dû être honnête dès le début et te traiter avec tout le respect que tu mérites.

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