J'étais en retard. Moi, qui avait horreur de ça, j'étais en retard. Nous nous étions bien mises d'accord là-dessus et aucune excuse ne sera acceptée. Malheureusement ma réunion s'était éternisée. Pressée d'en finir et de m'enfuir au plus vite du travail, j'avais bouclé rapidement mes dernières tâches de la journée. Maintenant, j'étais debout face à la porte du métro, tapant du pied avec l'espoir de le faire avancer plus vite. Quand enfin nous arrivâmes à la station Grand Boulevard, je sortis telle une furie et me ruai dans les couloirs. Je courais presque en sachant que cela n'allait servir à rien.
J'avais une demie heure de retard quand j'arrivais devant le bar pour rejoindre mes amies. Surprise, je remarquais que je n'étais pas la dernière. Alexia manquait à l'appel alors qu'elle était toujours là en premier. J'embrassais Estelle et Pauline et m'installais en face d'elles. Elles avaient déjà commandé trois mojitos.
— Désolée pour le retard les filles. Ma réunion a duré plus longtemps que prévu.
— Tu connais la règle, s'exclama Estelle. Celle qui arrive en retard et en dernier paye la première tournée.
— Mais Alexia. Elle ne vient pas ?
— Non. Elle nous a envoyé un message sur Facebook pour s'excuser. Elle n'a pas trop le moral en ce moment.
— C'est à cause de... Je ne finis pas ma phrase ne souhaitant pas évoquer tout haut ces événements douloureux.
— Oui. Elle est retombée dans ses anciens démons. Je lui ai dit qu'on allait passer la voir mais elle a catégoriquement refusé. Tu la connais. Elle m'a dit que c'était qu'un coup de blues et que demain elle irait mieux.
Je repensais aux événements qui avaient eu lieux il y a huit ans. Je me rappelais toutes ses larmes qui avaient coulé, tous ces pleurs que nous avions tenté de sécher et cette blessure, profonde, que nous avions essayé de guérir. Apparemment en vain. La souffrance était encore présente.
J'aimerais être à ses côtés mais Alexia était une personne très solitaire. Si elle nous avait demandé de ne pas venir, il était inutile d'y aller. Au mieux cela ne servirait à rien. Au pire elle se braquerait et refuserait de nous parler pendant des jours.
— Bon parlons d'autres choses. Ne laissons pas tout ça gâcher notre soirée, s'exclama Estelle d'une voix faussement enjouée. Comment allez-vous depuis les vacances ?
Depuis mon arrivée, je n'avais pas fait attention à l'attitude de Pauline, trop préoccupée par l'absence d'Alexia. Maintenant, cela était flagrant. Elle me regardait avec un mélange d'incompréhension et de colère. Nous nous étions que peu parlé depuis cette fameuse soirée. J'avais espéré que le temps diminuerait sa rancœur et ses sentiments envers moi. Je devais trouver les mots adéquates, les propos justes pour que notre amitié perdure.
— Faut que je vous parle de Clément ! Il s'est passé beaucoup de choses depuis notre retour des vacances et on a enfin eu notre grande conversation.
J'avais prévu de tout dire. Tout sauf ça. Je voulais leur révéler mon plan, mes envies et mes pensées. Mais le regard de Pauline m'en avait dissuadé. Alors je leur mentais, à demi-mot, leur disant ce que j'espérais, un peu, et non la réalité. Plus j'y pensais plus j'étais convaincue que c'était la meilleure solution. Estelle ne comprendrait pas ma résolution, Pauline serait abasourdie et probablement révoltée contre moi. Leur en parler n'apporterait rien de positif. Parfois, il vaut mieux se taire et ne rien dire. C'était la meilleure solution. Je ne voulais pas prendre le risque qu'elle me dissuade d'aller au bout de mon idée.
La soirée ne s'éternisa pas. A minuit, nous décidâmes de rentrer chez nous. Tout du long, Pauline, encore en froid avec moi, ne m'avait que peu parlé et détournait souvent le regard. A sa place, j'aurais fait la même chose. Estelle essayait de détendre l'ambiance, de détourner notre attention des préoccupations d'Alexia et de réchauffer notre relation tendue. Ses efforts finirent par porter leur fruit, en fin de soirée, grâce à l'alcool notamment. Pauline me sourit à deux reprises et nous rigolâmes ensemble une fois. C'était peu, mais il fallait donner du temps au temps. Mon comportement avait gâché notre relation. Je m'étais encore excusée pendant la soirée mais je m'attendais à cette réaction de sa part : incompréhension, rancune et encore un peu de colère. J'espérais vraiment que nous allions redevenir amies.
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Succomber
RomanceEmma avait tout pour être heureuse : un petit copain adorable, un métier correctement payé et une vie paisible à Paris. Cependant, à la fois hantée par son passé et accablée par sa routine quotidienne, elle était, à l'aube de ses 28 ans, à la croisé...