Chapitre 14

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Je passais mon dimanche sur le canapé à ruminer la soirée de la vieille. Depuis plus d'un mois, il n'y avait pas que Matthieu qui occupait mes pensées, même si, je devais l'avouer, il me prenait beaucoup de temps. Cependant, je songeais et réfléchissais pendant des heures à ma vie et à mon futur. L'annonce d'Alexia m'avait donné un électrochoc. Elle avait décidé d'accomplir son rêve et s'était donnée les moyens de le réaliser. Moi, quelque part entre mes 18 ans et aujourd'hui, je l'avais abandonné et oublié. J'étais passée à côté de cette étincelle, loin de ces expériences que je voulais vivre pour que mon existence ait un sens à mes yeux. Je les avais rayées, écartées voire oubliées, au profit d'une vie qui ne me plaisait pas.

Au lycée, j'avais une seule chose en tête et un seul désir : faire du théâtre, de la danse ou de la musique. Je ne savais pas lequel faisait plus battre mon cœur mais les trois me passionnaient. Je voulais être une artiste tout simplement et vivre de mon art. Mes parents n'étaient pas d'accord et ils n'avaient rien voulu savoir. Pour eux, je n'avais aucun avenir dans cette voie et ils voulaient s'assurer que je me construise un avenir. De mon côté, je m'étais laissée faire plus par contrainte que par choix. Comment aurais-je pu vivre convenablement sans mes parents derrière moi ? Je m'étais inscrite dans une école de marketing et j'avais suivi le chemin qu'ils avaient tracé pour moi.

Plusieurs fois, j'avais essayé de sortir, de sauter par-dessus le fossé et rejoindre la véritable Emma, celle que je voulais être, envers et contre tout. Mais à chaque fois, j'avais raté le saut et j'étais revenue sur la route, encore plus déçue et désenchantée qu'auparavant. J'avais continué ma scolarité et m'étais résignée. Mes parents me disaient que je devais me faire une raison. Il faut croire qu'ils avaient vu juste. J'étais devenue celle qui voulait que je sois, celle également que la société souhaitait. Qui aimait les intermittents du spectacle qui galéraient à boucler leur fin de mois, jouaient dans le métro pour gagner quelques sous et rêvaient d'une gloire qu'ils n'auraient probablement jamais ?

La vie avait suivi son chemin et mes cours du soirs s'étaient faits plus courts pour finalement disparaître. Je faisais de la comédie musicale, à mes heures perdues, puis la vie professionnelle était arrivée. La routine métro – boulot – dodo s'était installée et moi je m'étais perdue. Je suivais cette cadence imposée par une société dans laquelle j'avais dû mal à me reconnaître. Mais je l'avais suivi, tête baissée sans essayer de me rebeller.

Allongée sur mon canapé en tissu, bas de gamme, je me rappelais ses heures plus sombres de mon existence. Je revivais, à contre cœur mais avec l'espoir de trouver des réponses à mes doutes actuels, le moment précis où j'avais enterré tous mes rêves. En regardant en arrière, je ne pus que constater à quelle vitesse j'avais baissé les bras. Les arguments de mes parents avaient fini par me faire changer d'avis mais je n'avais que peu résisté.  Je me rémémorais, avec amertune, le jour où j'avais eu l'espoir d'être libre, pendant une courte durée, avant de me faire une raison.

Cette journée particulière s'était déroulée lors de ma dernière année d'étude. J'avais expliqué, une nouvelle fois,  à mes parents que j'allais, après avoir eu mon diplôme, me réorienter dans le domaine artistique. J'avais déclamé mes propos calmement, posément et avec plus de vaillance que toutes les dernières fois. J'avais cru que, ce jour là, ils auraient compris.

Mes parents n'avaient rien voulu savoir, réfutant les uns après les autres, tous mes arguments. J'avais tenté de les faire changer d'avis en leur parlant de mes rêves et mes espoirs. Ils avaient rétorqué qu'ils n'avaient pas dépensé des dizaines de millier d'euros dans mes études pour que j'envoie tout valser à la fin. Je me rappellerais toujours les propos, blessant, de mon père :

- Tu ne perceras jamais dans ce milieu ma chérie, dit-il d'une voix si calme avec tant de vehemence. Je ne dis pas que tu es incompétente, mais tu n'as pas le charisme et la grâce nécessaire. Rends-toi à l'évidence, ce n'est pas pour toi.

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