Allongée sur le lit, serrant ma peluche dans mes bras, je laissais mes larmes coulées en sachant que, d'ici quelques minutes, j'allais devoir me lever, me maquiller à nouveau, et partir fêter la nouvelle année avec mes amies. Cependant, le moindre mouvement m'était encore impossible. Alourdie par le poids de mes actes, je n'arrivais pas à bouger. Je laissais mes derniers sentiments et souvenirs venir m'achever, espérant, en vain, qu'après tout irait bien.
En faisant défiler le fil de mes deux derniers mois, je me rendis compte que mes derniers moments de bonheur dataient de cette escapade dans la capitale de la gastronomie. En rentrant le dimanche soir dans mon appartement désormais vide et désert, je n'eus d'autres choix que d'affronter mes pensées. Seule contre elles, avec aucun moyen de m'y échapper, ni aucune distraction, je dus m'avouer battue. En regardant la situation de plus près, j'étais devenue le monstre que j'avais combattu.
Matthieu avait agi comme tel par pure vengeance contre son ex-copine. Et moi, j'avais fait la même chose. Aveuglée par mon combat, je ne m'étais pas rendue compte que j'infligeais ce contre quoi je m'étais battue. Je m'étais transformée en cette personne, à l'apparence humaine mais dépourvue de cœur et de sentiments, que je voulais tant détruire.
J'aurais pu agir de cent façons différentes. Des scénarios divers et variés se précipitaient dans ma tête, se mélangeant parfois, mais dressant tous un constat sans appel : j'avais choisi la pire des alternatives. J'aurais facilement pu lui dire mes quatre vérités lors de la fête du rachat du bar d'Estelle, par exemple. J'aurais également pu le faire quelques jours plus tard, au moment même où il commençait à s'ouvrir à moi, avant qu'il tombe dans mon piège. J'avais eu des milliers de possibilités différentes mais j'avais choisi celle qui avait fait de moi un monstre.
Ce combat, je l'avais en tête depuis des années. Je l'avais nourri, alimenté, jusqu'à ce qu'il occupe la majeure partie de mon être. Au lieu d'accepter la situation telle qu'elle avait été, je m'étais plongée dans une vengeance qui ne pouvait apporter rien, mis à part de la peine et de la souffrance.
Serait-il possible que Matthieu décide de mettre fin à ses jours après ce que je lui ai fait ? Comment l'avait-il pris ? Comment le vivait-il ? Me voyait-il comme la pire monstruosité du monde ? Et surtout, pourrait-il un jour me pardonner car, même si j'essaye de me le cacher, j'étais tombée éperdument amoureuse de lui ?
Ces questions, ces regrets, ces conséquences terribles de mes actes, je devais les assumer. Je devais les porter sur mes épaules mais leurs poids étaient de plus en plus lourd. Je ne pouvais plus me regarder dans un miroir en sachant toutes les horreurs que j'avais, moi aussi, commises. Œil pour œil, dent pour dent, certes, mais nous ne savons jamais avec quel prix viendra la vengeance.
J'avais eu mon état de grâce, ce moment qu'on espère et attend avec une hâte certaine quand on prépare notre combat. Mais cela ne durait guère, quelques jours, au mieux quelques semaines, rarement plus. Il m'avait fallu cinq jours pour comprendre que, même si j'avais gagné un combat, j'allais devoir vivre avec l'idée d'avoir sciemment détruit, brisé en mille morceaux, un homme.
Je croyais retrouver une partie de l'ancienne moi, celle qui était heureuse et avait goût à la vie. Finalement, j'avais aggravé la solution. A force de nourrir la haine, je l'avais laissé me ronger et me pervertir. A semer du malheur, je n'avais pas récolté le bonheur tant espéré.
Vivre avec ces sentiments tous les jours était compliqué mais j'étais forcée de l'accepter. J'aurais dû apprendre, il y a huit ans de cela, qu'il était inutile d'affronter la vie car celle-ci gagnerait toujours. Savoir encaisser les coûts pour mieux se relever, tirer des leçons des évènements qu'on affronte, grandir face à l'adversité ; tous ces conseils, j'aurais dû les suivre. Ne jamais tomber dans la vengeance.
Déprimant pendant des semaines sur mon sort, j'avais finalement accepté de me relever et de remonter sur le ring de l'existence en ce début de mois de décembre. Je décidais également de reprendre ma vie en main. Fini le boulot inintéressant et routinier et place à un nouveau défi. En déposant ma démission, je signais, presque en même temps, mon entrée dans l'univers fabuleux des artistes. Dans quelques jours, j'allais retrouver les bancs de l'école ou plutôt, dans mon cas, les planches de théâtre. A quoi bon vivre si on ne suivait pas ses rêves ?
Il n'en restait pas moins cette douleur, latente, sous-jacente, cachée derrière un masque de bonheur. Avec le temps, elle se fera moins grande. En tout cas, je l'espère.
Il était 19h44 en ce 31 décembre quand j'acceptais, enfin, ma peine. Je me levais d'un bond de mon lit, balançant aux quatre coins de la pièce les mouchoirs remplies de larmes. M'approchant du miroir, je faisais face à ce reflet, certes disgracieux à l'intérieur, mais qui était bel et bien moi. Je ne pourrais jamais retourner dans le passé pour changer mes actes. Mais j'avais le pouvoir d'écrire mon futur. Je relevais la tête, fière, et je me regardais dans les yeux :
— Tu peux le faire Emma. Tu peux le faire, répétais-je une dizaine de fois, de plus en plus fort à mesure que je croyais en mes mots.
Oui, je peux le faire. Je fis disparaitre les traces de ma tristesse à coup de pinceaux de maquillage. Je remis de l'ordre dans mes cheveux et ramassais mes affaires. Je pris alors la résolution de la nouvelle année qui pouvait se résumer en deux mots : accepter et vivre.
Je pris mon téléphone et je le déverrouillais d'un geste inconscient mais automatique, pour consulter l'heure. En constatant que j'étais très en retard, je décidai de me connecter sur Facebook pour envoyer un message à Alexia et la prévenir de mon retard. Tandis que l'application se lançait, je pris les clefs et me dirigeai vers ma voiture. J'ouvris la portière mais stoppai net mon mouvement. La première actualité me surprit. Sur mon téléphone s'affichait ce visage, qui me manquait tellement, tout sourire, au bras du magnifique femme. Matthieu, selon l'article, fêtait ses derniers jours en tant que directeur de M. E. Holding dans un de ses clubs à Paris.
Mon doigt frôlait la photo à plusieurs reprises. Il survolait ce corps qu'il avait pu maintes fois toucher. Il se rappelait les sensations, inédites et tellement bonnes, qu'il m'avait procuré. Hésitant à plusieurs reprises à cliquer sur l'article pour en savoir plus sur sa vie, je pris finalement la décision de ne pas le faire. Matthieu semblait calme et détendu, voire presque heureux. Le fait qu'il ait démissionné de sa propre entreprise semblait m'indiquer qu'il avait au moins tiré une leçon de mes actes.
Le sourire aux lèvres, soulagée par cette nouvelle, je verrouillais mon téléphone et le lançais sur le siège passager. Je m'installais dernière le volant, allumant le contact et montant en même temps le son de la radio, je me dirigeais vers la fête de la nouvelle année, vers ma nouvelle vie.
Cette histoire, mon histoire, n'est pas un roman d'amour où on vit heureux et on a beaucoup d'enfant. Ce n'est ni un commencement, ni une fin en soit, juste un fragment de ma vie. Ce n'était qu'un voyage où vous avez pu entrevoir un épisode de mon existence. Ce n'était qu'une promenade le long du chemin de la vie, où les âmes se croisent et se recroisent, où les relations se lient et se délient au grès du temps mais surtout où les sentiments s'unissent ou s'affrontent. Ce n'était qu'une pause, qu'un répit, où les destins ont décidé de se succomber l'un à l'autre, avant de reprendre, tant bien que mal, le contrôle. Ma vie n'est pas encore finie mais cet épisode là l'est. Il était temps pour moi de clore ce chapitre de mon passé et de me concentrer sur l'avenir. Il était l'heure pour moi de tourner la page.
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Voilà, c'est la fin, le dernier chapitre et je dois dire que je suis un peu triste de clore cette aventure... J'ouvre une partie juste après de clarifications et services après vente ! ^^ Et surtout, j'aimerais beaucoup avoir vos retours et avis pour m'aider à m'améliorer.
En tout cas, merci pour tout à vous mes fidèles lecteurs. Merci pour tous ces commentaires qui m'ont beaucoup fait sourire et même qui ont parfois réussi à faire naitre quelques larmes de bonheur au coin de l'oeil ! Et tout simplement, merci d'être là !
Exiiste
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Succomber
RomanceEmma avait tout pour être heureuse : un petit copain adorable, un métier correctement payé et une vie paisible à Paris. Cependant, à la fois hantée par son passé et accablée par sa routine quotidienne, elle était, à l'aube de ses 28 ans, à la croisé...