Chapitre 21 - [Partie 2]

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Estelle et Pauline n'avaient pas bougé. Stoïques, elles n'exprimaient rien d'autre que la surprise. J'étais incapable d'interpréter leurs réactions et mon stress, qui avait diminué lors de l'embrassade avec Alexia, commençait à grimper jusqu'à atteindre des sommets. Je me mordis la lèvre, nerveuse et anxieuse, et m'arrêtai seulement lorsque le goût désagréable du sang avait envahi mon palet. A côté de nous, les bruits du bar étaient de nouveau entrés dans notre bulle où le silence régnait.

Deux minutes passèrent ainsi, seulement entrecoupées par Alexia qui se mouchait et essuyait ses larmes pour se remettre de ses émotions. Pauline, à ma droite, se leva brusquement. Indécise, elle s'appuyait sur le dossier de sa chaise et baissa la tête. Incapable de lire la moindre de ses expressions car ses cheveux me l'empêchaient, je me concentrais sur les mouvements de balancier de son collier. Ils étaient, pour moi, le symbole parfait de sa grande réflexion.

— Je ne comprends pas pourquoi tu as fait ça Emma, dit-elle d'une voix brisée, la tête toujours penchée. Je ne comprends pas. Tu... Tu aurais dû nous le dire ! Je m'en veux de ne pas avoir été là pour toi.

Ses derniers mots ne furent que des murmures. Elle se sentait tellement accablée par ses remords qu'elle enfila son manteau et sortit en trombe du bar. Je sautai alors de mon siège, tirant ma veste qui, dans mon geste brusque, entraina la chaise. Je n'entendus pas le bruit, sûrement sourd, qu'elle fit en tombant. Je sentais mon univers basculé à ce moment précis et il n'était pas question que je laisse Pauline m'échapper dans cet état-là.

Après une vingtaine de grandes foulées et avoir crié son nom une dizaine de fois, elle s'arrêta et se retourna pour me faire face. Son visage, si beau habituellement, était rayé de noir à cause de son mascara qui avait coulé. Elle tremblait tellement, probablement à cause de son chagrin, que je la pris dans mes bras pour me coller à elle et l'apaiser. Elle repose sa tête sur le haut de mon crâne et je sentis ses larmes couler sur mes cheveux.

— Pauline, je ne voulais rien te dire car j'étais sûre que tu allais m'en empêcher mais surtout parce que je ne voulais pas te mêler à ça. Ni Estelle d'ailleurs. Je sais que cette nuit-là de 2010 vous a brisé vous aussi mais vous n'avez pas réagi de la même façon que moi. Pour moi, c'était vite devenu un combat. La vengeance a été mon moteur pendant des années. J'avais besoin de mener cette guerre seule.

Ses bras me serrèrent encore plus fort contre elle et je pris ce geste comme une marque d'acceptation. Soulagée, je respirais à plein poumon l'air froid et pollué de Paris. Pendant presque cinq minutes, nous restâmes comme cela, halo de tendresse et amitié figé au milieu de la foule de badauds qui courraient encore et toujours après le temps.

Entre deux sanglots, Pauline m'expliqua qu'elle s'en voulait énormément pour son comportement, envers moi, durant les derniers mois. Elle avait compris que ma bataille me tenait à cœur mais elle aurait voulu s'en apercevoir plutôt pour ne pas me surcharger de ses états d'âme. Surprise par la réaction et la démonstration d'affection de mon amie, je décidais avec elle de signer un pacte de non secret entre nous.

Réconfortées, nous regagnâmes le bar. Estelle et Alexia étaient en plein débat mais, lorsque nous nous rapprochâmes suffisamment de la table pour entendre leur propos, le silence se fut. Je scrutais leurs visages à la recherche du moindre indice significatif. Alexia semblait avoir pleuré, à nouveau, tandis qu'Estelle avait le visage rouge. Etait-ce de la colère ?

Pauline s'installa à sa place et fouilla son sac à la recherche d'un paquet de mouchoirs. Je restai pantoise à côté de ma chaise, attendant le verdict d'Estelle. Elle se leva, prit ses affaires, et me demanda de l'accompagner à l'extérieur.

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