1 - La croisée des chemins [Partie 1 - Revue & Corrigée]

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EMMA



La route était longue et monotone. Les paysages défilaient à grande vitesse, succession de forêts et de champs entremêlés, tandis que les kilomètres s'égrainaient péniblement. Depuis trente minutes maintenant, je conduisais ma voiture de location direction le sud. La route était calme et peu chargée sur ces chemins de traverse de la campagne française. À mes côtés, mes trois meilleures amies étaient assoupies, profitant de quelques heures de sommeil avant de faire la fête à Cannes ce soir. Nous étions le 1er septembre et c'était mon anniversaire. J'avais 28 ans.

Le silence dans l'habitacle était pesant et je n'osais pas mettre de la musique pour ne pas déranger mes amies. Comme à chaque moment de solitude et d'ennui, mon cerveau trouvait la parade pour combler le vide : la réflexion. Que ce soit l'élaboration d'une vulgaire liste de courses ou l'analyse poussée d'une fin surprenant d'un bon livre, tout était prétexte pour penser. Aujourd'hui, j'avais le sujet parfait, celui que j'aimais faire à chaque anniversaire : le bilan de mes quelques années d'existence et surtout de mon avenir.

Ma vie semblait, de prime abord, plutôt réussie. Je travaillais dans le service marketing d'une agence de voyages, cadre plutôt agréable, quoique sous-payé à l'égard de mes responsabilités. Je vivais dans un charmant appartement de banlieue parisienne même si c'était encore une location. Mon compte en banque n'était pas faramineux, mais je n'étais plus dans le rouge à chaque fin de mois maintenant que j'avais fini de rembourser mon prêt étudiant. Et il y avait Clément, bien sûr, mon compagnon depuis maintenant quatre ans.

J'avais beaucoup de choses, mais pas tout, loin de là. Il me manquait ce petit quelque chose qui ferait de moi une femme comblée. Ce n'étaient pas des centaines d'euros en plus, ni l'assouvissement de ce désir sexuel qui me rongeait, car, même si Clément était brillant, il n'excellait pas dans tous les domaines, non, c'était quelque chose de plus profond. Un manque plus global. Un désir inassouvi.

Mes 28 ans s'annonçaient déjà comme l'année à la croisée des chemins. Ce moment où vous regardez d'un œil inquiet l'avenir et d'un autre, plus nostalgique, le passé. Cet instant précis où vous vous demandez si votre vie ressemble à ce que vous aviez espéré. Vous dressez le bilan de votre maigre existence et vous êtes forcé de constater que c'était tout, tout sauf ce que vous aviez imaginé.

Depuis la fin de mes études, ma vie n'avait que peu changé. J'étais toujours dans la même entreprise, à rentrer chaque soir un peu plus dépitée que la veille, résignée à faire des tâches pour survivre plus que par passion. Je ne pouvais toujours pas m'offrir les loisirs que je voulais, faute de temps. Mon couple battait de l'aile, alourdi par une routine, depuis que nous nous étions installés ensemble, Clément et moi, deux ans auparavant. Mais surtout, j'avais mis de côté mes rêves, mes promesses d'adolescence de profiter de ma vie, de vivre de ma passion pour la comédie musicale et de voir où l'avenir me mènerait.

Mes parents disaient toujours que j'étais toujours restée la même personne, fidèle à moi-même. Cette fille joyeuse, extravertie pour mieux cacher ce qu'elle pensait, et qui souffrait d'un léger manque de confiance en elle. J'étais cette femme banale, presque ennuyeuse, que je m'étais toujours promis de ne pas devenir. J'étais cet automate bloqué sur la cadence métro – boulot – dodo, le regard vide et l'air triste. Pourtant, quand j'étais plus jeune, j'avais ce petit grain de folie, ce goût de la vie, cette foi en l'avenir qui me rendait heureuse et joviale. Quelque part sur la route de mon existence je m'étais perdue. Mes parents n'en savaient rien, mais j'avais changé, il y a dix ans de cela, après cet événement.

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