25. Lâcher prise

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Mardi 4 janvier 2011 - Hoseok

L'après-midi touchait à sa fin, et il ne restait que Taehyung, Amélie, Hannah et Jungkook, les autres étant déjà rentrés depuis un moment. Je tenais la chandelle depuis que Yoongi était parti en me promettant que l'on se verrait le lendemain, et malgré tous les efforts que Taehyung et Amélie faisaient pour le cacher, je sentais que quelque chose avait changé entre eux.

D'abord le fait qu'elle se soit portée volontaire pour aller nous chercher à manger, puis leur heure passée à vagabonder dehors... Nan, c'était trop de signes pour que j'ai tort. Ils ne cachaient pas bien leur jeu. Cependant, je décidai d'en avoir le cœur net en allant dans la cuisine, dans laquelle j'avais vue Amélie entrer à l'instant, seule, pour se laver les mains.

- Hé, je lui lançai en m'approchant, fermant la porte derrière moi. Je voulais juste savoir un truc...

Elle avait sursauté à mon arrivée, comme une petite fille qui avait fait une bêtise.

- Par rapport à quoi ?

Malgré son sourire aimable, elle n'avait pas l'air très rassurée, ses mains serrant fermement la serviette qu'elle tenait.

- Toi et Taehyung... Vous êtes ensemble, maintenant non ?

Je vis son visage se décomposer, j'avais visiblement touché dans le mille.

- Oui. Mais on est censé le dire à personne pour l'instant, expliqua-t-elle à voix basse en croisant les bras.

- Ah bah vous êtes vraiment des pros, m'exclamai-je sarcastiquement, tirant une chaise pour m'asseoir.

A son tour, Amélie vint s'installer à côté de moi et me scruta quelques secondes avant de déclarer :

- Je suis désolée... Je sais que tu l'aimes un peu plus qu'il ne t'aime. Un peu... elle se coupa. Un peu différemment.

Quoi ? Comment elle savait ça ? Devant mon air décontenancé, elle continua :

- J'ai bien vu comment tu le regardais, et comment tu me regardais moi. Au début j'avais juste l'impression que tu me détestais, mais j'ai fini par comprendre que t'étais juste jaloux.

- C'est fini maintenant, articulai-je avec difficulté, la gorge sèche.

Elle leva la tête et me laissa continuer.

- Je suis content pour vous. T'inquiète pas pour moi, je lui assurai.

Amélie acquiesça, mais je voyais bien qu'elle voulait dire autre chose et qu'elle n'osait pas. Alors j'attendis patiemment, en silence, qu'elle se décide. Mais elle sembla se raviser et finit par me lancer avec un sourire compatissant :

- Ça a vraiment été facile pour personne dernièrement, de toute façon.

- Promets moi que tu lui diras pas...

- T'inquiète, ton secret est en sécurité avec moi, me répondit-elle en mettant son index devant sa bouche. Motus et bouche cousue.

Il y eut un silence. Je repris, en essayant de paraître détendu :

- Ça te dérange pas que je sois...

- Que tu sois quoi ?

- Bah... Gay, j'achevai dans un souffle.

- Moi ? Non, je m'en fous complètement. Pourquoi ?

Je souris, content qu'elle ne me rejette pas. Je savais que si les gens du lycée l'apprenaient, c'en était fini de moi. Même si nous traînions en majorité avec les filles, nous restions amis avec les autres. Ça ne semblait pas trop leur plaire qu'on les abandonne pour elles, mais tant pis. Plus nous grandissions, plus je commençais à me dire que je ne voulais plus être ami avec eux. Nous étions trop différents.

Mardi 4 janvier 2011 - Taehyung

Lorsque j'ouvris la porte d'entrée de ma maison et rentrai à l'intérieur, il était déjà l'heure de manger. Je m'excusai du retard, expliquant qu'il n'y avait pas de bus avant dix huit heures trente et que j'en avais profité pour réviser à la bibliothèque, ce à quoi ma mère me répondit par un sourire bienveillant et m'invita à m'asseoir. Elle voulait que je fasse mes études dans les meilleures conditions, et c'était l'une des raisons pour lesquelles nous étions en France. Elle trouvait le système scolaire coréen bien trop stressant et contre-productif, et elle en avait elle-même beaucoup souffert quand elle avait mon âge.

Je me lavai les mains et m'installai à ma place, entre ma sœur et mon frère. Le regard plein de reproches de mon père posé sur moi, j'avais l'impression d'être à mon procès, et qu'il allait me faire la morale dés qu'il en aurait l'occasion. Ce qui ne manqua pas, car quelques minutes plus tard, à la suite d'une question de ma mère à propos de mon après-midi passée avec mes amis, il en profita pour me demander si Amélie était présente, ce à quoi je répondis par un simple hochement de tête.

Il commença à déballer, tout en coréen, à quel point le fait que je sorte avec une française était un déshonneur, que je lui faisais honte et que je devrais plutôt me concentrer sur mes études, ma mère tempérant tant bien que mal en lui disant de se calmer. Eonjin, assise sur son petit tabouret à côté de moi, avait baissé la tête et mangeait silencieusement, me lançant quelques regards quand le ton montait.

Il finit tout de même par se calmer, et le repas se termina dans un silence de mort, le seul bruit étant le son des nos couverts contre nos assiettes. Une fois mon assiette vide, je débarrassai vite et montai dans ma chambre, le cœur gros.

Ma table de chevet se mit à vibrer violemment, et l'écran de mon téléphone affichait un appel entrant d'Amélie. "Pas maintenant" me dis-je intérieurement en ignorant l'appel et en éteignant mon portable, pour le reposer sur la table de chevet. J'entendis des pas feutrés dans le couloir, et ma porte s'ouvrit, ma mère faisant son apparition.

- Ça va mon chéri ? m'interrogea-t-elle, en s'asseyant à côté de moi sur le lit.

Sans que je ressente le besoin de répondre, elle comprit immédiatement que non, ça n'allait pas très bien et me serra dans ses bras. J'avais l'impression d'être redevenu un petit garçon dans les bras protecteurs de sa mère.

- Il a simplement peur que tu rates tes études... me dit-elle d'une voix qui se voulait apaisante, mais ses mots m'irritèrent.

- Mais j'ai toujours des bonnes notes ! Elle m'aide en français et en anglais, elle me distrait pas !

- Je sais mon chéri. Je vais en discuter avec lui, mais je pense qu'il faudra que tu le fasses aussi.

J'acquiesçai silencieusement, et elle relâcha son étreinte pour se lever et se diriger vers la porte. Alors qu'elle allait passer par celle-ci, elle s'arrêta et se retourna.

- Elle en a de la chance, elle me dit avec un sourire. Tenir tête à ton père pour elle... J'espère qu'elle en vaut le coup !

Et sur ces mots, elle sortit de la pièce en fermant soigneusement la porte derrière elle, me laissant seul et confus. Est-ce qu'elle le valait vraiment, le coup ?

Les gens comme nous [Tome I]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant