Les gens comme nous [Tome I]

61. Fête de trop

Vendredi 25 février 2011 - Yoongi

Debout, seul, un verre à la main, entouré de personnes que je ne connaissais pas ou peu, je regrettais d'être venu. Pourtant, quand Maëlle m'avait proposé de venir à la soirée qu'elle tenait chez elle, j'avais tout de suite accepté, en pensant que ça allait me changer les idées.

Mais je ne me sentais jamais vraiment à l'aise dans ce genre de situation, et encore moins quand je n'étais pas accompagné de mes amis. J'avais tenté de boire un peu pour me détendre, mais ce soir j'avais manifestement l'alcool triste, car je ne pouvais m'empêcher de penser à ce que devaient faire les autres, chez Hannah. Sans moi.

- Salut.

Je me tournai vers la source de la voix pour y découvrir une grande brune aux yeux verts, le sourire aux lèvres.

- Lisa, me dit-elle en continuant à sourire.

- Yoongi.

- Je t'ai jamais vu avant, tu viens d'où ?

- Je vais au même lycée que Maëlle. Et toi ?

- Je suis de Nîmes. T'es pote avec elle ?

Je réfléchis un instant. Nan, pas vraiment. On était plus des connaissances que de véritables amis, mais je hochai la tête pour éviter plus de questions. Mais Lisa ne l'entendit pas de cette oreille, et poursuivit en pointant mon verre avec son index :

- Vodka ?

Je hochai de nouveau la tête, en espérant qu'elle allait me laisser tranquille cette fois ci. Elle était mignonne, mais je n'avais pas la tête à ça ce soir.

- Hé Lisou, je vois que t'as rencontré Yoongi ! lança Maëlle en s'avançant vers nous deux.

Les deux commencèrent à discuter, et je profitai de cette occasion pour m'échapper vers la salle de bain. Une fois dans la pièce bien trop grande à mon goût, je me lavai les mains machinalement puis observai mon reflet dans le miroir.

J'avais les traits tirés à cause de la fatigue, mais à part ça, j'avais toujours la même tête, le même visage qu'il y a six mois, quand tout allait bien. Ça me manquait tellement. Comment avais-je laissé les choses empirer à ce point ? Même si Amélie me disait que tout irait bien, je n'en étais pas si sûr. Et puis, même si elle finissait pas avoir raison, et que je reprenais ma place dans le groupe, ce ne serait plus jamais pareil.

En descendant les marches, de là où j'étais, je pu apercevoir un groupe de personnes assises sur le canapé devant une table basse, occupés à prendre des drogues variées. Maëlle faisait partie de ce petit groupe, et quand elle me vit arriver elle me proposa de les rejoindre.

Je n'avais jamais été dans ce genre de délire, alors je déclinai mais elle se fit pressante et m'incita à au moins venir m'asseoir. Au milieu des briquets et des clopes, je pouvais voir des pilules colorées. Comment s'étaient-ils procurés tout ça ? Même Taehyung galérait pour s'acheter du cannabis, alors je ne pouvais m'imaginer la difficulté d'obtenir des trucs encore plus durs.

- T'as déjà essayé ? me lança Maëlle avec un sourire lourd de sens.

- Non, et je prévois pas de le faire.

- Allez ! Ça te fera pas de mal !

J'insistai sur mon refus, avec un peu moins d'assurance. Elle sembla remarquer, et en profita pour continuer, fourbe :

- Essayer une fois ça t'engage à rien, au pire si t'aimes pas les effets disparaîtront vite. Tu deviens pas addict dès la première fois.

Je considérai sa proposition un petit instant. Je repensai aux spots de prévention contre la drogue que j'avais vu dans mon enfance, qui disaient justement l'inverse. Mais je n'avais pas grand chose à perdre désormais, de toute façon, alors je finis par dire oui. Les effets se firent ressentir assez rapidement, à mon grand étonnement.

Tout me paraissait drôle et irréel, comme si j'étais en plein rêve lucide. J'essayai de me lever mais mes muscles refusèrent de bouger, alors je restai là à contempler le plafond, essayant d'ignorer le son environnant qui semblait avoir augmenté de volume depuis que j'avais accepté la pilule de Maëlle.

- Alors ça se défonce ?

Dans ma torpeur, je pu reconnaître la voix un peu moqueuse de Lisa, assise à côté de moi sur le canapé, et quand j'essayai de lui répondre, ma langue refusa d'opérer. Je commençai à être inquiet.

Est-ce que cette paralysie momentanée était normale ? Mon cœur se mit à battre à toute vitesse. Et si je finissais handicapé à vie ? Lisa sembla remarquer mon affolement, et disparut un instant pour me ramener un gant de toilette frais et humide qu'elle disposa sur mon front.

- Tu fais un bad trip je crois, mais ça ira mieux bientôt t'inquiète pas... murmura-t-elle en écartant mes cheveux collés à mon front du bout de ses doigts.

Le son de sa voix m'apaisait un peu, et mon rythme cardiaque revint doucement à la normale. Je lui lançai un regard reconnaissant, et elle sourit.

- Faut connaître ses limites Yoongi.

Malgré sa présence près de moi, mon esprit ne faisait que de revenir à la même personne. Hoseok. Qu'est-ce qu'il penserait de moi, si il était là, si il me voyait comme ça ? Il méprisait ce genre de personne, les trouvant ridicules et immatures. Il n'hésiterait pas penser la même chose de moi, maintenant que j'avais tout foutu en l'air.

Cette pensée me fit me sentir malade, et je courus vers les toilettes du rez de chaussée pour vomir dans la cuvette, misérable comme je ne l'avais jamais été auparavant. Au moins je pouvais bouger, maintenant.

Lisa était toujours là, dans l'entrebâillement de la porte, et me tendit du papier toilette pour m'essuyer la bouche. Elle était mon ange gardien pour ce soir, visiblement. Je me laissai tomber à côté de toilettes, épuisé, et elle me lança que maintenant que j'avais vomi, j'allais vite me sentir mieux.

- Merci, parvins-je enfin à articuler après un moment, la tête rejeté en arrière.

- Pas de quoi. T'as retrouvé l'usage de la parole, c'est déjà un bon début.

Je redressai la tête et observai son visage. Ses yeux verts étaient injectés de sang (fatigue ou drogue, je ne pouvais décider), et elle avait toujours ce même sourire accroché au visage. Lisa. Elle me tendit la main pour m'aider à me lever, et un peu tremblant, je décidai de rentrer chez moi, à à peine dix minutes à pied.

Elle se proposa de me raccompagner pour être sûre que je n'allais pas m'évanouir dans un fossé, mais je refusai en estimant qu'elle avait déjà assez fait pour moi ce soir. Sans dire au revoir aux autres invités, j'ouvris la porte d'entrée et me glissai dans les ténèbres de la nuit.