51. State of grace

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Mercredi 9 février 2011 - Taehyung

Elle avait prévenu sa mère qu'elle allait chez une amie, et nous avions pris le bus pour rentrer chez moi. Sur le trajet, je lui avais demandé pourquoi elle avait menti.

- Je lui dirais un jour, mais pas maintenant. C'est un peu trop frais encore...

Cela faisait à peine plus d'un mois que l'on sortait ensemble et tout juste cinq jours que tout le monde le savait, mais j'étais un peu déçu que l'on soit encore un secret pour certains.

- C'est pas contre toi Tae ! me lança-t-elle avant de m'embrasser pour appuyer ses propos.

Elle se recula, et m'observa pendant une seconde avant d'éclater de rire. Je vérifiai aussitôt mon visage à l'aide de mon téléphone, et constatai que mes lèvres étaient aussi rouges que les siennes. J'essuyai celles-ci du revers de ma manche, et donna un petit coup de coude à Amélie.

- Vaudrait mieux que tu l'enlèves pour éviter ça la prochaine fois... je fis.

- Monsieur n'aime pas mon rouge à lèvres ? elle répliqua d'un ton faussement offensé en levant les sourcils.

- Bien sûr que si, lui assurai-je. Mais pas sur moi.

- Dommage, le rouge te va à merveille, me répliqua-t-elle en souriant.

Mais elle décida tout de même de l'enlever pour faire bonne mesure. Une fois chez moi, dans ma chambre, elle me poussa à lui montrer comment je jouais du saxophone, et je lui fis une petite démonstration. Assise sur mon lit, elle me regardait, les yeux brillants, et applaudit avec énergie à la fin de ma petite performance.

- Tu prends des cours ?

- Ouais, tous les dimanche à seize heures, répondis-je en rangeant mon instrument. C'est moins classe qu'une guitare mais j'aime bien.

- Nan c'est tout aussi bien ! Et ça a l'air beaucoup plus compliqué en plus.

Elle adorait m'encenser dès qu'elle en avait l'occasion, et moi aussi. A chaque nouvelle chanson qu'elle me montrait, je tombais des nues. J'étais content qu'elle me laisse entendre des choses aussi personnelles et aussi brutes, car elle peaufinait chacune de ses compositions pendant des mois avant de les considérer "finies". Elle aperçut Gargantua sur ma table de chevet, et s'en saisit avant de le feuilleter.

- Apparemment Hugo est un fan de littérature. J'arrive pas à croire qu'on ait ignoré ce pauvre mec pendant autant de temps.

Je levai les yeux au ciel. Est-ce qu'on étaient là pour parler d'Hugo ? Amélie remarqua mon agacement et reposa le livre là où elle l'avait trouvé.

- Désolé, je sais que je force mais...

Elle se stoppa et se rassit sur mon lit.

- Bref. On fait quoi ? elle finit par demander.

- Je sais pas, dis-je en m'allongeant sur mon lit, bientôt imité par Amélie, qui en profita pour passer sa main dans mes cheveux.

Quelque chose me disait qu'elle savait exactement ce qu'elle voulait faire, et effectivement elle ne mit pas longtemps avant de m'embrasser doucement. Je l'enveloppai dans mes bras et la fit basculer sur le côté, me retrouvant au dessus d'elle, et elle gloussa en m'attirant plus près d'elle. J'en profitai pour observer son visage, pinçant ses joues entre mes doigts.

- Je sais que je suis moche pas besoin de me regarder comme si j'étais un insecte bizarre, me lança-t-elle en rigolant.

Je l'embrassai de nouveau pour la faire taire et lui assurer qu'elle avait tort, et elle plaça ses mains derrière ma nuque et enfouit son visage dans mon cou en guise de réponse. Je la sentais respirer dans mon oreille, son souffle chaud provoquant des frissons dans tout mon corps.

Comme un automatisme, ma main trouva son chemin en dessous de son t-shirt, touchant la peau chaude de son ventre. Je savais qu'elle en avait autant envie que moi, mais elle me repoussai.

- C'est trop tôt, se justifia-t-elle en replaçant son t-shirt.

J'avais envie de protester, mais je me tus et respectai sa décision. Si elle avait envie d'attendre, je n'allais pas la forcer, même si pour une fois, je me sentais prêt. On aurait pu penser que ce refus rende le reste de l'après-midi gênant, mais bien au contraire. Nous avions décidé d'enfin terminer Gargantua, lisant chacun notre tour tandis que l'autre écoutait.

Elle m'avait forcé à presque tout lire, parce qu'elle disait qu'elle adorait ma voix. Puis, je lui avais appris quelques mots de base en coréen. Jiwoo lui avait déjà enseigné quelques trucs, et elle faisait de gros efforts pour tout prononcer le mieux possible. Au bout d'un moment, elle en eu marre et s'écroula sur mon lit.

- J'ai hâte d'être l'année prochaine, mais j'ai pas envie qu'elle parte, soupira-t-elle en faisant référence à Jiwoo.

- Aie une pensée pour Jimin.

Elle gloussa, puis marqua une pause avant de reprendre :

- Elle va trop me manquer. J'ai l'impression que c'est mon bébé, on lui a tout appris en français...

- Tu la reverras un jour, t'inquiète pas.

- Quand ?

- Quand tu seras célèbre.

- Dis pas de bêtise. J'ai peu de chance de... elle commença, mais je la coupai.

- Si tu t'accroches, t'y arriveras. Que ce soit le cheval ou la musique.

A ces mots, elle bascula sur le côté pour se retrouver face à moi. Je voulais qu'elle admette que j'avais raison, mais en consultant son portable, elle constata qu'il était bientôt temps pour elle de partir. Sur le chemin en direction de l'arrêt de bus, elle se plaignit en disant qu'elle avait mal aux pieds, alors je la pris sur mon dos pour parcourir les dernières mètres, exactement comme en EPS, au début de l'année.

Je me rappelais encore de ma surprise quand elle m'avait attrapé les cheveux, et de la conversation avec Jungkook au téléphone ce soir là. "Elle est folle de toi, tente ta chance", avait-il dit. Avant que l'on soit dans la même classe, je ne l'avais jamais vraiment remarqué dans ce sens là. Je la connaissais de vue, et c'était tout. Puis je l'avais connue de près, et je n'avais plus jamais voulu la lâcher.

- Tae je t'adore mais va falloir penser à me laisser descendre, me lança Amélie, toujours sur mon dos.

Je m'exécutai et elle fut bientôt face à moi, le sourire aux lèvres. Je baissai les yeux vers son poignet, et lui demandai si ça allait mieux depuis. Elle pouvait écrire, c'était le principal.

- Ouais, mais je préfère attendre de plus avoir mal du tout avant de me remettre à jouer ou à monter. Au cas où.

Sa respiration créait de la buée dans l'air, et elle se frottait les mains pour se réchauffer, un bonnet sur la tête.

- T'es trop adorable, lui lançai-je soudain, sans réfléchir.

Ses joues se tintèrent de rose et elle baissa la tête, avant de croiser de nouveau mon regard, et de dire, doucement :

- Je t'aime Tae.

Puis elle saisit son sac et se dirigea au pas de course vers le bus qui avait ouvert ses portes, sans même attendre que je réponde. Paniqué en la voyant monter les marches, je lui criai, avant que les portes ne se ferment et qu'elle ne puisse plus m'entendre :

- Moi aussi !

Elle se retourna et me sourit, m'envoyant un baiser de la main.

Les gens comme nous [Tome I]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant