78. Ecchymose

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Lundi 25 avril 2011 - Jin

Presque un mois était passé depuis la légendaire soirée, et le mois de mai commençait tout juste à pointer le bout de son nez, ainsi que des températures de plus en plus favorables. La fin de l'année et donc la période des examens s'approchait dangereusement également, et Jimin, en bon élève, avait décidé de commencer à nous faire réviser tous ensemble dès que l'on avait du temps libre. "Comme ça vous serez prêts pour le bac blanc !" il disait dès que l'un de nous se plaignait, souvent Amélie ou Taehyung d'ailleurs.

Ces deux-là passaient beaucoup de temps ensemble en ce moment, à travailler sur un projet qu'ils ne voulaient pas nous montrer avant qu'il soit terminé. En effet, Sarah avait annoncé qu'une sorte de scène ouverte était organisée le vingt quatre mai dans son village, et ils avaient évidemment sauté sur l'occasion.

Namjoon ne prévoyait pas de participer, mais ils m'avait poussé à essayer depuis qu'il m'avait entendu chanter en cuisinant un truc, le matin après la soirée. Il trouvait que c'était une excellente idée, mais je refusais de le faire seul.

- Jin ?

- Amélie ? T'es en avance dis donc.

- On peut dire ça ouais. Ça fait longtemps que t'es là ?

- Ouais... Mon bus a été très en avance aujourd'hui.

Elle posa son sac sur le sol et s'assit à côté de moi, et en la regardant, une idée me traversa l'esprit.

- Dis, par rapport au vingt quatre...

- Oui ?

- Je sais que tu fais un truc avec Taehyung, mais... J'ai rien pour m'accompagner. Tu crois que tu pourrais m'aider ?

Elle marqua une pause pour réfléchir.

- Les concours, les examens, la chanson avec Tae et maintenant la tienne... Je sais pas. Je peux essayer. Mais c'est quoi la chanson ? J'espère que c'est pas trop compliqué ! elle ajouta.

- C'est un truc coréen, j'expliquai. Si tu veux je te la traduirais, si tu veux comprendre de quoi ça parle.

Amélie hocha la tête et continua :

- Si tu veux tu peux venir chez moi après les cours, si t'es déjà prêt à répéter. Tae et moi, on a presque fini...

Je n'espérais pas mieux, alors j'acquiesçai en souriant.

- Merci.

Lundi 25 avril 2011 - Amélie

Je marchais calmement dans le couloir désert, les autres m'ayant devancé depuis un moment. Je commençais à regretter d'avoir accepté d'aider Jin. J'étais si occupée en ce moment que j'avais l'impression de ne même pas pouvoir m'arrêter pour respirer.

- Amélie ! Attend !

- Hugo ?

Ce dernier était essoufflé, comme si il avait couru à travers tout le lycée pour me trouver. Il me tendit un billet de cinquante euro.

- Je voulais pas te devoir des sous, alors voilà.

Je lui pris doucement des mains pour le mettre à l'abri dans mon porte-feuille, puis m'enquis :

- T'étais où ce matin ?

Il n'était pas venu en cours d'histoire. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, mais je m'inquiétais à chaque fois. Surtout qu'il avait pour insupportable habitude de mettre son téléphone en silencieux, et donc de ne jamais me répondre.

- J'étais fatigué, t'inquiète pas. Tu me feras rattraper ?

- Bien sûr, je répondis en souriant.

Il reprit, en marchant à mes côtés :

- Le Maréchal Jimin vous embarque encore dans une séance de révision intensive cet après-midi ?

- C'est une référence à Pétain ou De Gaulle ?

- A toi de voir, il répondit simplement avec un grand sourire. Il est plus vieux con de droite, ou vieux con de droite qui collabore avec les nazis ? Attends, en fait De Gaulle était même pas maréchal !

J'allais lui répondre que je n'étais pas si sûre que Jimin aime les nazis, mais nous fûmes interrompus par un des surveillants avec lesquels nous nous entendions bien. Il était jeune et gentil, à peine plus vieux que mon grand frère.

- Dites, vous deux, vous pouvez faire passer ça à Yoongi ? il demanda en nous tendant un papier de la vie scolaire.

Je saisis le bout de papier.

- T'es pas censé lui apporter quand on est en cours ? je questionnai.

- Si, mais ça a pris du retard, et c'est vraiment urgent.

- D'accord on lui donnera, pas de problème, assura Hugo en me prenant le papier des mains.

Puis nous nous éloignâmes pour franchir les portes qui menaient vers la façade du lycée, où les autres nous attendaient à l'endroit habituel. Hugo tendit le papier à Yoongi :

- C'est pour toi.

Ce dernier examina le papier, lisant à haute voix :

- Yoongi Min... Première L... Convocation à dix heures chez le CPE...

- T'as fais quoi encore ? le taquina Namjoon.

- Rien, je pense que c'est par rapport aux absences. J'y vais, je vous raconterais.

Et sur ce, il ajusta son sac sur son épaule et franchit les portes de lycée pour se rendre chez le CPE. J'espérais qu'il n'allait pas avoir des problèmes. Ses parents étaient extrêmement stricts, d'après ce que m'avaient dit les garçons.

Lundi 25 avril 2011 - Yoongi

Je patientai quelques minutes devant la porte, espérant que le CPE sorte de son bureau pour aller me chercher lui-même, mais je constatai rapidement que ça n'allait pas être le cas. Alors je pris mon courage à deux mains et je toquai doucement sur le bois rongé par le temps, en me demandant ce qu'il allait me dire. Je m'étais caché derrière l'excuse des absences, mais je n'en étais pas si sûr finalement. Un homme dans la trentaine, barbu et tout maigre, m'ouvrit la porte et m'invita à entrer. C'était lui, le CPE ?

- Va y, assied toi. Bon, tu sais pourquoi je t'ai convoqué aujourd'hui Yoogi ?

- Yoongi, je soufflai. C'est Yoongi.

- Oui, c'est ça, Yoogi.

Putain, il est con ou quoi ?

- C'est une devinette ? je demandai.

Il eut un rire nerveux, et prit une gorgée de ce que j'imaginais être du café pour se donner une contenance. Je plissai les yeux. Est-ce qu'il avait une photo de lui sur son mug ? Qui a une photo de soi-même sur son mug ?

- Non, Yoogi.

- Yoongi.

- Tu es là parce que tu sembles avoir des problèmes à assister aux cours, tes notes sont en chute libre, et il y a peu tu t'es présenté au lycée avec des blessures au visage...

Je le laissai continuer, impassible. Je savais très bien où il voulait en venir.

- Est-ce que tu as des problèmes chez toi ? Tu peux en parler, tu es en sécurité ici tu sais.

La blague. Est-ce que quelqu'un s'était déjà jamais senti en sécurité au lycée, encore plus dans le bureau du CPE ? Alors je me mis à esquiver la question, comme je l'avais toujours fait.

- Non, tout va bien. Les bus là où je vis sont un peu aléatoires, du coup je les rate souvent. Et par rapport aux blessures, j'ai eu un accident de voiture léger.

- Yoogi je...

- Ça a sonné, je fis remarquer. Je devrais y aller. Il vaudrait mieux que j'évite une autre absence.

Il resta silencieux tandis que je me glissai hors de la pièce pour me rendre en cours d'espagnol. J'allais bien. Je n'avais pas besoin de son aide.

Les gens comme nous [Tome I]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant