Chapitre 19

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Chapitre 19

Arrivée 


Dans cette pièce, il avait une fenêtre, mais elle était bouchée par des planches cloutées irrégulièrement. La seule lumière qui y passait était divisée en des rais diffus qui illuminaient la poussière qui volait dans l'air. Cela faisait bien longtemps que personne n'avait nettoyé cet endroit. Elle avait l'impression d'être enfermée dans une boîte.

Recroquevillée dans un coin, elle fixait de ses yeux clairs le soleil qui sortait difficilement de sa fenêtre. Elle ne le quittait jamais des yeux, même quand son bourreau était là. Même quand il l'obligeait à l'aider. Elle se souvenait qu'au tout début, elle avait lutté contre lui, alors, il l'avait privée de nourriture. Elle se rappelait que c'était lui qui lui avait lacéré les ailes pour ne pas qu'elle s'enfuit.... Mais elle ne pouvait pas se remettre son nom en mémoire, ni celui de celui qui l'avait enfermée. Quelque fois, il l'appelait par son prénom, mais elle l'oubliait tout de suite après, elle ne voulait pas s'en souvenir avec sa voix à lui...

Elle entendit les loquets de la porte de sa cellule grincer, elle se redressa lentement. Elle savait que lorsqu'il venait à elle, c'était parce qu'il avait vieilli, il mettait donc beaucoup de temps à ouvrir les serrures car ses mains tremblaient. Elle se rappelait pourtant l'avoir prévenu : plus elle l'aidait, plus il vieillirait vite... Mais il ne voulait rien entendre. Il n'avait jamais voulu écouter personne.

La porte s'ouvrit enfin, mais elle ne se tourna pas pour voir celui qui entrait avec un flambeau pour les éclairer : elle regardait toujours le soleil de sa fenêtre. Elle ne savait pas pourquoi elle devait continuer à le fixer, mais elle le faisait. Elle avait l'impression d'être au bord du précipice de la folie, et que c'était la seule chose qui lui permettait de garder l'équilibre.

Les doigts tâchés par la vieillesse de Dérime lui effleurèrent l'épaule. Elle était marron de crasse, il avait trop peur de la laisser sortir pour se laver. Il avait trop peur de la perdre : elle était son salut... C'était sur elle que dépendait son existence, il avait l'impression qu'il n'aurait plus d'attache avec le monde réel si elle disparaissait.

Dérime observa le corps osseux et décharné de la jeune femme : elle ne se nourrissait plus. Ses yeux étaient vides : faussement illuminés par la lumière du soleil... Il se souvenait de lorsqu'il était allé la chercher, elle était belle, alors... Mais ce temps était révolu. Comme beaucoup d'autres choses. Dérime se passa une main dans ses cheveux, qui, en plus d'être devenus blancs, commençaient à disparaître : se rappelant de pourquoi il était là.

Il pinça ses lèvres, ses yeux d'argent scintillant dans lumière du flambeau. Il inspira profondément, s'emplissant les poumons de l'odeur de renfermé et putride de la pièce. Il observa le regard de sa protégée : blanche comme un linge, ses yeux paraissaient démesurément grands au milieu de ces joues creuses... Il aurait aimé lui permettre de retrouver le soleil, mais alors il la perdrait. Il aurait aimé qu'elle le regarde...

Oubliant sa puanteur, sa saleté et son mutisme, il posa sa tête vieillie sur son l'épaule :

- Ehenka... Aide-moi... Souffla-t-il

Les yeux de la Fée s'illuminèrent un instant : "Oui... Ehenka... C'est mon nom...", pensa-t-elle, soulagée. Mais elle l'oublia immédiatement.

***

Assis dans un confortable siège de cuir beige, Robin avait prit le temps de se réserver une place de première classe avant de partir. Il avait commandé son repas qui n'allait pas tarder à arriver et son parapluie était sagement calé entre ses deux genoux. Soulagé d'avoir retrouvé ses gants noirs, il était plongé dans ses pensées, ses yeux verts fixant le vide.

Daress Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant