Chapitre 56

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Chapitre 56

Sombre


Cela faisait un mois et pourtant, tout semblait encore vide autour de lui. Il était enveloppé dans un trou noir qui l'engourdissait sans cesse, lui brouillait les sens et les pensées. Il peinait ne serait-ce qu'à réfléchir, cela lui semblait si dur... Pourtant, on ne le laissait jamais seul, Roye mettait un point d'honneur à le suivre jusqu'au bout du monde, et Néréo ne cessait de lui rendre visite. Mais lorsque Toola se présentait devant lui, avec ses prothèses de bois à la place des jambes, ses tripes semblaient vouloir s'échapper de son ventre tellement elles lui faisaient mal.

Un jour, Maxime s'était effondré aux pieds de la jeune femme pieds, dans un des salons du palais de Kéos. Il avait posé son front sur ses genoux et l'avait suppliée de lui pardonner, sa lourde cape de fourrure royale coulant sur le sol comme un lac de lai et lui écrasant les épaules. Il n'avait pas pleuré, il n'y arrivait plus, mais ses yeux gonflés et liquides montraient son chagrin bien plus que n'importe quelle larme. La Valkyrie n'avait pas hésité, elle l'avait excusé en quelques mots sincères et amoureux. Mais ce n'était pas ce qu'il aurait voulu. Il avait espéré qu'elle l'insulte, qu'elle le déteste, parce que cela aurait donné un sens à ce lourd poids de tristesse profonde qui pesait dans son ventre.

Il avait gratté la cicatrice que lui avait fait Néréo jusqu'au sang, espérant la rouvrir. Mais Roye l'avait forcé à arrêter et Maxime s'était abandonné dans ses bras, l'âme vide et le visage inondé de pleurs silencieux. Il avait fixé son visage dans le miroir : il ne reconnaissait plus ces cheveux en bataille et gras, cette barbe qui lui mangeait le visage, ces cernes creuses, ce teint malade... Il aurait voulu disparaître. Tout lui était devenu insupportable.

Il ne pouvait plus voir ses amis, il avait trop honte. Dans son sang coulait celui qui avait détruit et tué Daress. Maxime n'était pas celui qu'il avait cru être : il venait d'une famille de meurtriers. Il avait crié sur Roye pour qu'il lui montre les souvenirs de Dérime, il avait détruit les meubles de la salle de réunion, il l'avait gelée et le vent avait emporté les débris dans sa force. Roye avait été obligé de cédé. Et après cela, l'état du roi du Nord avait empiré.

L'image de son enfance, de ses parents, de tout ce qu'il avait connu avait été bafouée : plus rien ne serait jamais pareil. Et Maxime ne pouvait que se remémorer comment il avait tué un propre membre de sa famille. Sa haine contre lui même désespérait de trouver un autre coupable, mais il ne pouvait la laisser faire. Il fallait qu'il s'enferme, loin de tous, pour éviter de faire du mal.

En vérité il avait honte de sa famille, de ceux qui avaient été ses grands parents : comment avaient-ils pu faire subir une chose pareille à leur propre fils ? Et comment alors, Maxime pouvait considérer qu'il était le sauveur de Daress, alors qu'il n'avait tué qu'un homme qui était devenu fou de solitude ? Mais il avait aussi peur, peur de finir comme lui. Il ne savait plus que faire pour l'éviter, cette angoisse battait dans son sang sans discontinuer, envahissante et étouffante. Il ne parvenait plus à agir, avait l'impression d'être comme figé dans le temps, n'entendait plus les tics de l'Horloge.

Il n'avait plus touché les Coeurs depuis la mort de Dérime, les avait laissés dans cette maudite salle en ruines, mais Néréo les avait pris à sa place et les lui avait rendu avec quelques mots :

- Il faut que tu avances, Maxime.

Avancer ? A quoi bon ? Quel en était l'intérêt ? Il était assis sur un siège, dans sa chambre désordonnée. Le jeune homme avait laissé les rideaux ouverts, et le soleil à la lumière blanche du Nord s'étalait sur le sol, comme une barrière entre lui et les Coeurs d'Elements de Meltemi. Maxime gardait les yeux fixés sur eux, le visage sombre, en se torturant ses mains blessées à forte de frapper les murs et les miroirs. Leur vue seule suffisait à l'effrayer : s'il les prenait en main, il allait de nouveau perdre le contrôle. Ils allaient amplifier toutes ces émotions qui broyaient ses entrailles. Son corps semblait trop petit pour elles, il avait perdu du poids et donnait l'impression d'être toujours plié en deux. Ses yeux de glace n'étaient plus que deux billes froides.

Daress Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant