Chapitre 29

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Chapitre 29

Disciple


Ses pas étaient traînants, ses cernes énormes et son dos voûté. Il se déplaçait à une vitesse exaspérement lente, la main plaquée contre son flanc gauche. Là où, derrière un bandage blanc, sa blessure ne cessait de saigner. Dans sa grande maison, cela faisait longtemps que Joruck ne s'était pas senti aussi seul. Il leva les yeux sur la porte qui menait à la salle de séjour. Là où Robin les avait attaqués. L'Humain détourna les yeux, le coeur gonflé par la douleur. S'il était parvenu à aller enterrer Sophie dehors, dans la forêt qu'ils avaient aimée tous les deux, il n'avait pas réussi à nettoyer son sang. Ni à retourner dans cette pièce d'ailleurs. Il ne voulait plus jamais y aller. Il continua d'avancer dans le couloir avec difficulté. Il savait bien qu'il guérirait plus rapidement s'il sortait de sa maison pour se rendre dans un hôpital, mais cela faisait des années qu'il n'en était pas sorti. Il avait peur du monde extérieur. Autrefois, sa demeure avait été son seul refuge, où il pouvait en paix. Cependant, il avait toujours eut l'impression d'y être comme endormi, la conscience brouillée par ses habitudes qui lui pesaient. Mais Sophie était apparue et l'avait sortit de ce brouillard étrange.

Il s'arrêta devant la porte orientale qui menait à la salle où avait autrefois été gardé le Coeur de l'eau. Lui aussi, il avait disparu... Joruck ôta ses chaussures en serrant les dents, son ventre le faisait affreusement souffrir. Il poussa le battant de la porte avec un rictus de douleur, la sueur coulant sur son front, pour enfin rentrer dans cette pièce, qui fut pendant longtemps son lieu de sérénité. C'était aussi la première pièce où il avait mené Sophie... Restant sur le seuil, il ferma les yeux. A ses dépends, les souvenirs affluaient à son esprit.

Cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas mis le nez dehors, c'était pour ne pas s'avouer que cela faisait des semaines. En tant que gardiens des Coeurs, ils avaient la fâcheuse manie de ne jamais aller à l'extérieur : on leur avait martelé l'esprit pour qu'ils ne quittent jamais le Coeur des yeux. Et Joruck ne faisait pas exception. Aussi, avait-il prit son courage à deux mains. Devant sa porte d'entrée, il prit une grande inspiration et en baissa la poignée d'une main tremblante. Sentir le vent sur sa peau lui fit l'effet d'un ouragan, et il n'aurait jamais pensé que cela lui fasse autant de bien, ni ne balaye totalement ses appréhensions ! Plus rassuré, il posa son pied dans l'herbe et regarda autour de lui : les arbres l'entouraient, grands et paisibles.

Avec un léger sourire, il commença à s'enfoncer dans la forêt, il n'y allait jamais, mais il était peu probable pour lui qu'il ne s'y perde. Il redécouvrait tout du monde extérieur : le bruit des feuilles mortes qui craquaient sous ses pas, la morsure brûlante du soleil... Mais surtout et avant tout, cet air pur qui ne sentait pas le renfermé. Odeur à laquelle Joruck s'était bien trop habitué. Les mains dans le dos, son léger sourire faisait ressortir les rides au coin de sa bouche. Cela faisait longtemps que son maître était mort et il s'y était fait, restant seul dans sa grande demeure. Il savait qu'il devait trouver un disciple car il n'était pas éternel, mais comme il avait trop peur de s'éloigner de son lac, il était peu probable qu'il en trouve un...Joruck en avait même presque abandonné l'idée.

Il s'arrêta, un peu étonné, il s'était retrouvé dans une clairière qui lui était inconnue. S'il ne sortait pas souvent, il avait bonne mémoire et n'avait jamais vu ce lieu là. Son sang se bloqua dans ses veines, alors que sa figure blanchissait d'un seul coup. La peur le cloua sur place, dans une sidération qui le rendait incapable de bouger. Là, effondrée par terre, la tête cachée par l'herbe et les feuilles, se trouvait un être humain. Joruck n'avait qu'une envie : détaler le plus vite possible. Mais ses jambes refusaient de lui obéir. Il s'attendait à tout instant à ce que cette personne ne lui saute dessus pour l'étrangler, sa gorge nouée l'empêchait presque de respirer. Jusqu'à ce qu'il se rende compte que l'inconnue était inconsciente. Aussitôt, ses muscles se détendirent, juste assez pour pouvoir lui permettre de s'enfuir en courant.

Daress Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant