Chapitre 5

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Chapitre 5

Humain

Il avala une gorgée de son soda et le sucre lui gratta la gorge. Cela faisait plusieurs semaines qu'il ne quittait plus son bureau et qu'il n'avait pas vu la lumière du soleil. Son visage devait être affreux à voir : ses yeux étaient cernés de grosses poches violettes et injectés de sang, ses joues pâles et ses cheveux gras. Mais il n'y faisait même pas attention, il ne se rendait pas compte du temps qui passait tant il était captivé par son écran. Jamais il n'aurait cru qu'autant de choses soient possibles, il avait encore l'impression que tout cela n'était que fiction. De nombreuses fois, il avait laissé échapper des cris de surprise et de joie quand il apprenait quelque chose ou qu'il avait la confirmation qu'il n'était pas fou. Depuis toujours, son monde lui avait parut étrange, il avait toujours eu cette impression qu'il y avait quelque chose derrière tout. Comme si rien n'était entier. Il en avait enfin la confirmation. Tout ce qui défilait devant ses yeux s'encraient dans son cerveau, il ne laissait aucuns détails lui échapper. Il avait depuis longtemps tout retenu sur les créatures qui vivaient dans ce monde, ses climats, sa flore, sa géographie, sa démographie... Il ne pouvait plus s'arrêter de glaner des informations. Il ne savait pas ce qu'il pourrait faire de tout cela, mais juste savoir qu'il n'était pas aussi fou qu'il l'avait toujours pensé lui était assez satisfaisant. Un nouveau monde s'ouvrait devant ses yeux.

***

L'envie de vomir lui vint immédiatement. Il fut surpris de voir sa tête lui tourner autant et si rapidement. Il parvenait à peine à respirer, ses poumons encrassés de fumée et sa gorge serrée. Faust ne put s'empêcher de plaquer sa main sur sa bouche et son nez pour tenter d'en faire un filtre. Il ne s'était pas attendu à ce que ce fut si violent. Il y avait beaucoup de bruit, de gens, de puanteur, de couleurs... Faust ne savait plus quels détails étaient importants ou non. Depuis qu'il était sortit de son coma, il n'était jamais retourné dans une ville, il n'y était plus du tout habitué. Sa vue en négatif semblait avoir du mal à s'équilibrer : les formes devenaient de plus en plus difficiles à cerner et il ne parvenait pas à la fixer sur un point en particulier. Ses yeux partaient dans tous les sens et il ne parvenait pas à bouger. Cette odeur qui lui collait aux narines et aux poumons lui donnait un air de déjà vu, à présent qu'il en était entouré. Il avait la vague impression que quelque chose était là, au bord de sa conscience et ne demandait qu'à ce qu'il s'en rappelle. Mais il avait beau tenter de la ramener des confins de sa mémoires, il ne réussissait pas à mettre le doigt dessus. 

Tout lui paraissait soudainement lointain, comme s'il s'était retranché dans le fond de son esprit et regardait son corps paniquer de loin. Ce qui rajoutait encore plus à son embarras... Ses genoux s'entrechoquaient et il voyait ses compagnons continuer à avancer : encore et encore, dans la puanteur et le bruit de la ville. Il voulut les appeler, mais sa bouche refusa de s'ouvrir, il ne put qu'en tirer un léger cri étouffé. Il essaya alors de bouger ses jambes : rien n'y fit. Il ne sentait même plus ses prothèses de fer, comme si il lui manquait véritablement une jambe et un bras. C'était une sensation terrifiante : quelques secondes auparavant, tous ses sens avaient été là, puis s'étaient enfuis sans prévenir. Cela lui paraissait étrangement familier. Les Humains glissaient autour de lui, évitant de le cogner et ne lui accordant aucun regard, il avait l'impression de ne plus exister. Sa main en fer, toujours plaquée contre sa bouche, l'empêchait de crier de panique.

Sa vue se brouillait encore plus, lorsqu'il vit une des silhouettes de ses compagnons se tourner vers lui. Il ne voyait plus assez clair pour dire qui c'était, mais il sentit alors une main lui saisit son poignet. Aussitôt, ses nerfs se reconnectèrent avec ses prothèses, ce fut douloureux. Mais une douleur qu'il avait déjà connue... Sa main de fer tomba le long de son corps, libérant sa mâchoire mais y laissant des traces de doigts, presque des bleus, il ne se rappelait pas avoir serré aussi fort. Sa vue se mit à trembler pour revenir à la normale. La première chose qu'il vit furent les yeux dorés d'Agathe fixés sur lui : il ne les voyait pas dorés, mais il savait qu'ils avaient cette couleur. Il se rendit alors compte qu'il était en apnée et reprit une respiration sifflante et haletante. Il ne savait pas combien de temps il était resté comme ça, là, planté sur ce trottoir, mais cela lui semblait être une éternité...

Daress Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant