Chapitre 38

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Chapitre 38

Appels 


Il traînait ses semelles usées sur les chemins poussiéreux, profitant de la solitude, devenue source de paix et non plus d'angoisse. Il en avait terminé avec les espaces clos, il n'y retournait pas avant longtemps. Dérime voulait profiter du grand air, voir le monde car il n'avait jamais pu le faire. Il avait voyagé où le menaient ses pas, sans carte, selon ses envies du moment. Il ne se mettait pas de barrière. Voilà comment il était arrivé au beau milieu de la campagne agricole de l'Ouest, au milieu des champs de blés et de maïs. Il allait bientôt faire nuit, mais il ne s'en faisait pas : ce n'était pas la première fois qu'il dormirait à la belle étoile.

Voyager ainsi ne le dérangeait pas le moins du monde, il savait qu'il avait toujours quelque part où rentrer. Un endroit où il pouvait aller quand cela lui plairait, un palais blanc que son frère avait fait construire pour lui seul. Dérime ne lui avait demandé qu'une seule chose : qu'on y ajoute un grand jardin, une roseraie dans laquelle il pourrait se promener sans soucis. Loki avait accéder à sa requête sans rien dire. Dérime en venait à s'étonner de la générosité et de la compréhension de son frère, cela faisait des années qu'il n'avait pas connu un rapport humain basé sur l'entraide et la gentillesse. Cependant, malgré cette paix, Dérime se souvenait à quel prix il l'avait obtenue. Les deux blessures, maintenant cicatrisées, coupant son oeil le lui rappelaient chaque matin. Mais il ne regrettait rien, rien du tout. Tout ce qui importait, c'était qu'il était libre.

Les oiseaux commencèrent à se taire, laissant place aux insectes nocturnes et aux chouettes. Les épaules de Dérime, écrasées par un lourd bagage commençaient à lui faire mal, il décida qu'il était temps de se reposer. Autour de lui, il n'y avait qu'un seul arbre qui pouvait le protéger de ses ramures, au beau milieu d'un champs de blé, fraîchement coupé ras. Il était vrai que les récoltes commençaient à peine. Il traversa le fossé dans lequel de l'eau stagnait d'un bond, et commença à enjamber les cadavres de céréales. Arrivé au pied de l'arbre, il dégagea un cercle de terre des brindilles et cailloux pour pouvoir installer sa couverture qui le protégerait de l'humidité du sol. Sans même faire un feu, ou prendre le temps de manger, il s'allongea sur son lit de fortune, l'esprit en paix mais les muscles épuisés. Il ne lui fallut pas longtemps pour s'endormir, bercé par le bruit du vent dans les feuilles au dessus de sa tête.

Depuis qu'il avait quitté le palais du Nord, ses nuits étaient bien plus longues et agréables, sans rêves et sans cauchemars, juste du repos. Il avait toute une vie d'angoisse à rattraper. La seule chose qui le réveilla fut, le lendemain, le soleil qui perçait ses paupières. Il ne voulait plus que cela pour le tirer de son sommeil. Il ouvrit doucement les yeux, se préparant déjà mentalement à tout le chemin qu'il allait pouvoir parcourir aujourd'hui, mais ses réflexions furent coupées nettes.

Un visage était penché sur lui, des longs cheveux blonds coulant jusque sur lui, encadrant tout son champs de vision. Dérime n'osa même pas reculer face à cette femme qui l'observait. Elle avait de grands yeux verts qui le regardaient avec curiosité, de petits tatouages ronds qui les soulignaient jusqu'à son front. Dérime rougit quand il comprit que lui aussi l'examinait avec insistance et il ne se contentait pas que de son visage, lui. Il recula doucement contre le tronc, mettant de la distance entre elle et lui. Elle se redressa sans animosité, avec une grâce qui paru surnaturelle au jeune homme. Il écarquilla les yeux devant les grandes ailes qui longeaient le dos de l'inconnue. Des membranes fines aux motifs travaillés avec des couleurs chaleureuses et douces. "Une Fée...", pensa-t-il.

L'inconnue ouvrit enfin la bouche :

- Tu es sûr mon territoire, je suis la Fée Doyenne de ces champs et tu dors contre mon Arbre.

Daress Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant