Chapitre 35

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Chapitre 35

Portrait



Avec ses grands yeux d'enfants, il comprenait parfaitement ce qu'il se passait. Cela faisait la cinquième fois que ses parents avaient fait venir un Examinateur. Mais il n'y avait rien à faire. Il était incapable d'utiliser la magie... Dérime s'était souvent demandé pourquoi. Il avait longuement observé les paumes de ses mains, les avaient scrutées pour y trouver une anomalie. Il avait fait de même avec celles de son frère, il les avait tordues dans tous les sens pour enfin comprendre, ne s'arrêtant que lorsque Loki pleurait de douleur. Ses parents l'avaient souvent grondé à cause de ça. Mais ces imbéciles ne comprenaient rien.

Du haut de sa dizaine d'années, aîné de la fratrie Sylow, héritier légitime du trône, Dérime savait parfaitement dans quelle honte il plongeait sa famille. Jamais ses parents ne l'avaient emmenés lorsqu'ils se rendaient chez les autres rois de Daress, alors qu'ils prenaient toujours Loki avec eux. Très peu étaient ceux qui savaient qu'il existait. Dérime n'était jamais sorti du palais. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé. Il avait même tenté de passer par les passages souterrains du château, mais à chaque sortie, il y avait toujours un Sentinelle pour l'empêcher de passer... Il avait beau pleurer, hurler, personne ne semblait vouloir entendre ce qu'il avait à dire. Après tout, il n'était qu'un enfant... Même à présent, alors qu'il était campé dans ce couloir où quelques hommes travaillaient, le regard fixe, les lèvres et les poings serrés, personne ne faisait attention à lui.

Après ce dernier Examen, le dernier espoir de ses parents pour savoir si leur fils était doué de magie et qui s'était soldé par un échec, on avait décidé qu'il n'existait plus... Le couloir aux portraits... C'était le lieu clé du palais du Nord. Sur les deux murs de cette galerie, étaient exposés les tableaux toutes familles royales aux fils des siècles. Et, lorsqu'il n'y avait plus de place, on retirait les plus vieux pour les entreposer dans des lieux protégés. C'était pour garder la mémoire, disait-on. Cependant, le portrait de Dérime était loin d'être assez vieux pour que l'on décide de s'en débarrasser. De plus, il n'allait sûrement pas être rangé avec ceux de ses ancêtre, cela aurait été beaucoup trop élogieux. Non, ses parents avaient simplement décidé qu'il n'était jamais né. Ils effaçaient toutes les preuves de son existence.

Pour cela, ils avaient déjà ordonné à tous ceux qui avaient déjà vu Dérime de l'effacer de leur mémoire, de ne jamais en parler. Et, vu les visages de ceux qui étaient sortis du bureau de son père, Dérime avait très vite deviné qu'ils avaient été menacés pour obéir. Après cela, il avait remarqué qu'on lui avait préparé une chambre, bien à l'intérieur du palais, là où personne n'allait jamais. Là où personne ne penserait que quelqu'un y habitait... Ce n'était pas les sous-sols mais cela faisait le même effet. C'était trop froid. Il y serait trop seul.

Lorsqu'il regardait son frère, Dérime ne comprenait pas pourquoi il avait réussi son premier Examen, lui. Pourquoi lui, il était normal. Pourquoi tout lui réussissait. Dérime le haïssait. il haïssait le monde entier de le jeter aux oubliettes, de nier son existence. Et ceux qu'il détestait par dessus tout, c'était ses parents. Il avait toujours su qu'ils ne l'avaient jamais aimé. Après tout, que faire d'un descendant inutile ? Rien d'autre, que de s'en débarrasser. Dérime pinça ses lèvres et baissa la tête pour cacher avec ses cheveux noirs les larmes qui coulaient sur ses joues, voyant son portrait partir au loin, couvert d'un drap blanc comme un linceul, porté par des Sentinelles comme pour un enterrement. 

***

Eleusie aurait rêvé pouvoir éclater son poing contre le nez de Toola. Cette abrutie allait tout faire rater avec sa manie de tout massacrer sur son passage ! Cependant, elle se retenait bien de le faire : par rapport à cette ancienne Valkyrie, elle ne faisait pas le poids question force. Ça ne l'empêchait pas pour autant de lui hurler dessus en chuchotant en même temps, alors qu'ils étaient à peine sortis de la pièce où tous les soldats de Dérime dormaient :

Daress Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant