Chapitre 43
Raide sur son fauteuil, sa table basse étendue devant lui, où étaient posés ses quatre jeux d'échecs, Dérime sentait son coeur battre à tout allure. Comme s'il voulait s'échapper de sa poitrine. Depuis qu'il avait lacéré les ailes d'Ehenka et l'avait enfermée pour l'empêcher de lui échapper, Rylem lui avait ouvert les yeux : jamais ils ne pourraient être reconnus par le monde. C'était pour cela qu'ils avaient besoin des Coeurs d'Eléments, pour se faire plus puissant, pour se faire voir. Mais cela ne suffirait pas : il fallait en finir avec ce Daress qui n'avait pas évolué depuis sa création. Il fallait tout changer. Rylem lui avait montré comment les Humains fonctionnaient. La démocratie : l'égalité et la liberté pour tous. Plus de rois auxquels se plier.
Dérime avait constaté à quel point les Humains leur étaient supérieurs : dans leurs médicaments, dans leurs armes, dans leurs transports, dans leur technologie... Tout ce pourquoi ils n'avaient pas besoin de magie. Il fallait faire évoluer Daress dans la même voie, il fallait que les Daressiens arrêtent d'être dépendants de la magie. Le monde continuerait de stagner si le peuple ne se détachait pas de son pouvoir. Si on continuait de classer les personnes selon leurs magies, alors d'autres se retrouveraient dans la situation de Dérime. Et de Rylem également, qui n'était pas capable de magie. De plus, si on arrêtait de donner autant d'importance à la magie, alors enfin les Chasseurs arrêteraient leurs massacres.
C'était dans ce but là, que Dérime et Rylem avaient lancé une guerre entre les pays de Daress. Ils avaient pris Dola dans leur combine, profitant juste de sa faiblesse : Dérime n'avait même pas eut besoin d'user de sa magie pour le persuader à tuer son frère et sa femme. Dérime avait ensuite pris le controle de Faust, profitant du choc que lui avait causé la mort de ses parents. C'était comme une partie d'échecs : il fallait calculer les coups à l'avance. Et jusqu'ici, cela ne l'avait pas gêné le moins du monde. Il ne s'était jamais soucié de toutes les morts que sa guerre pouvait causer. Après tout, il s'en fichait, il le faisait pour un monde nouveau.
Cependant, il ne s'était pas attendu à ce que Rylem venait de lui annoncer. L'homme était assis devant lui, un air indifférent sur le visage et son chapeau haut de forme sur ses genoux. Dérime ne comprenait pas comment il pouvait se montrer aussi décontracté. Comment il pouvait se montrer si neutre face à ce qu'il venait de lui dire. Dérime cacha ses lèvres de ses doigts, une nausée soudaine lui envahissant la gorge. Loki était mort. Son propre frère venait de mourir. Mais ce n'était pas ce qui importait pour Rylem :
- Faust également est sur le point de mourir. C'est à peine s'il respire encore. Notre guerre est terminée nous avons échouée.
Dérime ne répondit pas : il n'entendait plus rien. Rylem soupira en détournant le regard et en s'avachissant dans son siège :
- Pourquoi donc cela te fait tant de peine ? Que je sache, ce n'est pas lui qui t'as sortis de ta cellule, il s'est juste contenté de réparer un minimum les pots cassés.
Rylem fit un ample geste du bras, montrant tout ce qui les entourait :
- Il t'a simplement enfermé dans une autre prison, certes plus dorée que la précédente, mais une prison tout de même.
Dérime ferma les yeux, cela, il ne voulait pas le savoir. Ce n'était pas ce qui lui importait à lui. Son frère était mort, son très cher frère, la seule famille sur laquelle il n'avait jamais pu compter. Rylem grimaça, sentant qu'il ne pouvait rien en tirer pour l'instant. Il se leva de son siège en soupirant de nouveau :
- Tu devrais retourner voir ta Fée, tu recommences déjà à vieillir.
Sur ces mots, il quitta la pièce, laissant seul Dérime avec ses pensées. C'était tout ce que Dérime voulait. Il se leva à son tour et se dirigea vers le grand miroir, accroché au mur en face de la fenêtre. Il s'observa longtemps, scrutant les cicatrices sur son oeil et les larmes qui coulaient sur ses joues. Bizarrement, il avait l'impression de ne plus rien ressentir, il était comme éteint. Sans réfléchir, car il n'en avait pas besoin, il ouvrit le tiroir de la commode à sa droite et en sortit un couteau long et fin. Il ne s'en était jamais servis, et ce serait sûrement la dernière fois : c'était une belle arme, au manche d'argent ouvragé et au pommeau décoré d'une pierre bleue aux reflets verts.

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Daress Tome 2
FantasyAprès avoir enfin découvert la vérité sur Faust, Maxime, Agathe et Talya font face à une nouvelle menace. Celui qui dirigeait toutes les actions de Faust, Dérime, se décide enfin de passer à l'attaque. Il mène Daress à la révolution grâce à ses disc...