Daress Tome 2

Chapitre 55

Chapitre 55

Rois

Un son flou parvint à ses oreilles, pollué par des sifflements et un bruit blanc intense. Il ferma fort ses paupières, il avait encore tant sommeil... Mais malgré ses tympans bouchés, la réalité se faisait de plus en plus insistante. Il dû bien se faire une raison et enfin ouvrir les yeux, et une lumière aveuglante lui brûla ses rétines. Il grogna et porta sa main à son visage pour se protéger. Il fut surpris lorsque des doigts qui ne lui appartenaient pas glissèrent sur ses joues, et quand des gouttes s'écrasèrent sur son front. La gorge sèche et les lèvres gercées, il leva son regard et, dans sa vision trouble, vit le visage de la Sous-Mère des Valkyries. Maxime fronça les sourcils et croassa dans toute la grâce qui le distinguait :

- Hein ?

Il plongea ses yeux dans le regard ambré de la jeune femme, comme s'il pouvait comprendre ce qu'il se passait, pourquoi elle pleurait tant... Mais il n'y vit que de l'amour. Une lumière pétillante, qu'il n'avait jamais encore aperçu dans les yeux de quelqu'un qui le regardait. Son corps, qui lui paraissait si engourdi et froid fut envahi par une chaleur diffuse et agréable. Bientôt, son champ de vision se fit plus net, et il put enfin distinguer Agathe, qui ne se tenait pourtant qu'à quelques centimètres de lui. Sur ses joues, il y avait des larmes de sang séché, le même qui recouvrait tout son menton : elle était affreusement pâle, avec de grandes cernes noires. Le désarroi de Maxime se fit encore plus grand. Il ne se souvenait pas de ce qu'il s'était passé... Il avait absorbé le Coeur du vent et ensuite...

Son coeur rata un battement, il tenta de se redresser en un sursaut, mais immédiatement, un grand vertige l'en empêcha. Maintenant, il voyait et entendait parfaitement, et tous ces sons l'effrayaient. Pourquoi entendait-il Faust hurler ? Pourquoi Agathe et Toola faisaient en sorte de lui cacher ce qu'il se passait derrière elles ? Il aurait voulu poser mille et une questions, mais il n'en avait pas encore la force. Détachant son torse nu des pavés poisseux de sang sombre, il s'agrippa à Toola et tendit le cou vers elle :

- Qu'est-ce qu'il... Se passe ? Gronda-t-il d'une voix rauque

Toola détourna ses yeux, caressant instinctivement ses blessures du regard. Et Maxime suivit le mouvement de ses pupilles. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête, alors qu'une rage immense vint tordre ses entrailles, il serra tant les dents qu'elles grincèrent bruyamment. Les chairs de la jeune femme étaient découvertes au grand jour, suintant d'un sang épais qui coulait tout autour lui. Cette fois, sa force ne fit pas défaut, il se redressa et la saisit par les épaules, prenant enfin conscience d'à quel point les forces semblaient lui manquer. Si elle continuait ainsi, elle allait y passer. Les doigts du roi du Nord s'enfoncèrent dans la peau de Toola, tous ses traits tirés, comme s'ils essayaient de retenir toute la colère qui le tourmentait :

- QUI ??? Hurla-t-il

Mais Toola n'eut pas à parler, la réponse vint d'elle-même. Derrière l'épaule de la jeune femme, il distingua Dérime, au milieu de ses fils de pierre. Il battait l'air tout autour de lui, alors qu'autour, Néréo, Alley et Faust tentaient d'approcher.

Et enfin tout lui revint.

Et l'ouragan qui lui avait fait perdre contrôle refit surface.

Dans le creux de la main de Dérime, les Coeurs du vent donnèrent un éclat blanc et aveuglant. Une violente rafale balaya tout le hall, et tous durent planter fermement leurs pieds dans le sol pour ne pas être tirés en arrière. Sans plus de considérations pour Toola et Agathe, Maxime s'était levé, sa nouvelle cicatrice barrant son torse, presque la même qu'arborait Néréo. Autour de ses poings, volaient des éclats de glace tranchants, entraînés par un vent glacial. Ses cheveux étaient agités par des bourrasques qui découvraient ses yeux devenus blancs. Le temps s'était arrêté, comme pour laisser place à sa fureur. Sa tempête balayait la poussière de la pièce pour la soulever dans les airs et la faire tourbillonner.