Chapitre 31

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Chapitre 31

Menace

Saïb faisait les cent pas dans son bureau. Il avait enfin cessé de porter le deuil et les draps noirs aux fenêtres de Nanyuki avaient été enlevés. Depuis la mort de son fils, il avait perdu beaucoup de poids, qu'il était enfin en train reprendre. Déjà, un petit embonpoint tirait sur sa ceinture. Mais c'était, loin de là, le sujet de son inquiétude. Une famille de réfugiés était arrivée en catastrophe à son palais, escortée par des Combattants blessés et tout aussi paniqués. Ils venaient tous du nord du pays, fuyant la violence. Ils leur avaient rapporté, à lui et Athéna, qu'une armée de créatures fonçaient vers la capitale. Ils détruisaient tout sur leur passage, menés par des Chasseurs en colère. Elles avaient la peau de cuivre et des tatouages qui prenaient vie pour attaquer. Saïb n'avait bien évidemment, pas tardé à deviner la nature de ces créatures : les Selkies mis en esclavage avançaient vers Nanyuki.

La rébellion du Nord se transformait en conquête et Saïb savait qu'il y aurait toujours des âmes mécontentes pour gonfler leurs rangs. Athéna était déjà partie à la caserne des Combattants pour commencer à monter leurs défenses et les habitants fabriquaient des barricades pour barrer les routes et ralentir l'approche des Selkies. Saïb doutait que cela serve à quelque chose. Même asservis, les Selkies n'en restaient pas moins des guerriers d'élite. C'était une puissance immense pour les Chasseurs, mais c'était une chose ignoble que de s'en servir comme de la chair à canon. Saïb ne savait pas qui était réellement ce Dérime qui mettait de telles ignominies en place, mais il se jurait que, s'il le trouvait, il le mettrait lui même en pièces.

Le roi du Sud s'arrêta dans son angoisse pour regarder un moment sa capitale, dont la paix était troublée. Il était hors de question qu'elle ne tombe, ni que la famille Salam ne se fasse écraser. Il avait encore le coeur lourd de la destruction de Valéria et de la mort d'Ana, il savait ce qui l'attendait s'il laissait les Selkies atteindre Nanyuki. Jamais il ne laisserait sans rien faire ces pavés d'or être salis par le sang.

Ses pensées se perdirent vers l'état du Nord. Cela faisait plusieurs semaines qu'il n'avait de nouvelle de Roye, ni de personne d'autre d'ailleurs... Si la violence de Dérime arrivait jusqu'au Sud, Saïb n'osait pas imaginer l'état du Nord. Il n'avait aucune idée si Roye était encore en vie. Il espérait ce miracle. Cet homme ne cessait de risquer sa vie, un jour, cela allait vraiment arriver, et le roi du Sud n'en avait aucune envie. Cependant, il n'avait aucun moyen pour vérifier si l'homme masqué allait bien, le portail solide étant été ramené à l'Ouest par Ondine. Roye le lui avait confié, pour éviter que Dérime ne mette la main dessus, avait-il dit. Effectivement, c'était un objet tout nouveau et Saïb n'avait même pas encore réfléchit à toutes les façons dont ils pouvaient s'en servir, Roye, lui, l'avait sûrement déjà fait.

Saïb tordit ses mains derrière son dos, il ne parvenait pas à réfléchir, son esprit enfermé dans un carcan d'angoisse. Il n'espérait plus qu'une chose : que sa fille rentre vite de la Terre avec ses compagnons, armés de tous les Coeurs d'Elements. Ils restaient encore et toujours leur meilleur espoir pour vaincre cette folie qui s'abattait sur Daress.

***

Tranquillement et confortablement assis sur une chaise, la haine lissait tout dans son esprit. Tout était soudainement très clair, il se demandait presque si la disparition de Ehenka ne lui était pas bénéfique... Enfin, elle lui était toujours indispensable : il vieillissait trop vite. Il plongea sa main dans la poche intérieure de sa veste, pour une sortir un globe noir, gravé de stries compliquées et fendu de formes précises, le réceptacle des Coeurs. C'était un alchimiste qu'il avait emprisonné dans les prisons de la nouvelle Mendeal qui le lui avait fabriqué... Eskar... C'était aussi lui qui avait parlé des Coeurs d'Elements en premier à Dérime. L'homme sourit, le pauvre Neko n'avait pas très bien terminé, jeté dans les égouts... Il fit tourner un peu le globe entre ses doigts fins et noueux, c'était tout ce qui lui restait d'important. C'était d'ailleurs la chose qui avait le plus de valeur à ses yeux, c'était bien pour cela qu'il le gardait toujours avec lui. Il le rangea et se leva.

Daress Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant