XXI.

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Le vent secoue les arbres. Je suis assis sur le banc de pierre qui surplombe la vallée. Mais en face de moi, il n'y a ni l'immensité bleue de la mer ni le cheminement tranquille des voiliers. La ville me fait face, grande, large, étendue, coupée en deux par ce fleuve long et solitaire. Il disparaît et revient, s'en va et surgit tout à coup entre deux maisons, deux collines, il fuit vers l'horizon sans se retourner, et lorsque je parviens à distinguer à l'orée d'une forêt le dernier morceau de son corps lisse et brillant de lumière, déjà il a disparu, caché, aimé et haït comme un amant qu'on adore et qu'on rejette, mais vers qui on revient, impitoyablement.

Les arbres bourgeonnent, et sur toutes les branches éclosent jour après jour les fleurs légères, douces mais si fragile qu'un soupir les fait s'envoler. Le soleil est haut, le ciel brille, et en bas, dans la ville, à l'intersection d'une ruelle, deux êtres se croisent et quelqu'un sourit.

L'air est chaud.

C'est le printemps.

Je suis parti il y a un an.

Je sens le souffle du vent sur ma nuque, la chaleur du soleil sur mon visage, mais elle ne parvient pas à réchauffer mon cœur. Je repense à son visage, et lorsque je réalise que je l'ai oublié et que je ne peux plus m'en souvenir clairement, qu'il ne reste des courbes jusqu'à présent si familières seulement des fragments de mémoire, alors mon cœur se serre, mon corps s'effondre, et je pleure sous ce soleil qui sèche mes larmes, sous ce vent qui emporte ma détresse, et par delà l'horizon, plus loin que toutes les montagnes du monde, derrière la frontière insoutenable du passé, repose mon père, éternel et flou dans cette dernière vision qu'il me reste de lui.























Vis.

Le monde est à toi désormais.

Les Héros InconnusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant