Un matin, alors que l'aube est encore teintée par la couleur de la nuit, mon père part. Je l'entends claquer doucement la porte d'entrée, puis le bruit léger de sa canne contre les trois marches qui mène vers le jardin, puis plus rien. Le vent est tombé. Quand je me lève, le soleil est haut dans le ciel sans nuage. Vers midi, il revient. Ses chaussures sont usées, son pantalon de toile est rougi par la poussière des sentiers, et son visage est grave. Il me frôle, ne parle pas, ne dit rien, c'est à peine s'il respire, et il reprend sa place sur la chaise, dans la cuisine, à côté de la fenêtre. Il ne me dira jamais ce qu'il a fait, ce matin-là.
Je l'appelle, mais il ne se détourne pas.
Je m'arrête dans l'encadrement de la porte, et le silence est si lourd que je me sens gêné. La sensation diffuse que quoi que je dise, quels que soient mes mots, qu'importe la tournure de ma phrase, que chaque souffle même troublera cet instant, s'insinue dans ma tête et ralentit ma respiration. Je me détache du mur, m'apprête à sortir moi aussi, à aller regarder la mer, peut-être marcher jusqu'au port, lorsque la voix de mon père me retient.
Ses cheveux blancs brillent comme un halo autour de son visage.
Il dit lentement, une seule fois :
- Tu pars demain.
Et le silence résonne si fort que c'est comme si mon cœur explose.
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Les Héros Inconnus
General Fiction« Il savait vivre, Antonio. Et c'est ça qui l'a tué. » Lorsque le passé rejoint l'avenir, et que la quête de la vérité entraîne l'amour dans ses recoins les plus secrets.