XXXIX.

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L'aurore vient. Le ciel se transforme, devient plus clair, plus lisse, plus transparent. Les nuages s'écartent et disparaissent. Pendant un long instant, une infinie seconde miraculeuse préservée du chaos, le monde s'éclaire. Pendant ce long instant, tous dorment encore. L'univers est paisible. Le chaos ne déborde pas des mots. Il reste contenu, enchainé, effacé déjà, et l'orage ne survit que dans le passé.

Ici le ciel est blanc et le soleil se lève.

Demain tout changera peut-être.

Pourtant, nous sommes là, ici, maintenant, et je regarde ce ciel immense qui me fait face, je le regarde parce qu'il est immense, et parce qu'il est immense je le regarde, je m'y perds et m'y confonds, je m'y noie et y émerge, je m'engloutis dans ce ciel et dans sa marée, et parce qu'ils sont là, ici, maintenant, comme ils étaient là-bas, avant.

Alors je réalise soudain, comme un voile qui se lève, une apparition subite, j'en souris doucement, car je comprends que c'est le ciel qui a tout vu. De tous les témoins, de tous les mystérieux, de tous les muets, il est celui qui retient le mieux. Et devant mes yeux qui s'évadent, devant ma bouche qui s'étire, devant mon visage qui s'illumine, se tient l'incarnation du savoir. Un savoir rude, pur, brut, inaccessible aussi, et précieux pour ce secret qui pèse sur lui, pour ce silence imposé, pour son destin à demeurer seul dans le vide, à rester ce savoir qui ne nous appartient pas, qui ne nous appartiendra jamais, et pourtant que nous vivons, que nous façonnons lentement comme des fous, comme des artistes, comme des vivants.

Je sens que la vieille femme me regarde, puis elle lève la tête. Son menton me fixe, ses yeux sont déjà loin.

Ici le ciel est blanc et le soleil se lève.

Le temps ne s'arrête pas.

Antonio n'est encore qu'un enfant, et la vie est toujours là.

Les Héros InconnusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant