I.

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Le vent secoue les arbres. Mon père est assis, sa canne à côté de sa cuisse, sur le banc de pierre qui surplombe la vallée. Il m'entend et tourne la tête de l'autre côté. Je crois qu'il pleure. Je ne m'assois pas. Je reste debout, contre l'arbre mort qui était là avant la naissance de tous les hommes. La mer est calme. Un voilier quitte le fleuve, long, majestueux, la voile blanche comme une colombe. Je le perçois comme un message de paix, et soudain le courage monte dans mon cœur, rapidement, comme une bouffée d'espoir. J'ose demander :

- Parle-moi de lui.

Il y a un silence, très long, très doux. Mon père regarde toujours la mer, inlassablement. Il ne la voit pas, mais il l'imagine. Et son souvenir apaise son cœur. Il lève sa main, la pose sur sa joue, caresse lentement sa peau brune, s'attarde sur chaque ride comme si elles contenaient toutes un secret, entrouvre ses lèvres sèches, craquelées, et dit dans un murmure que le vent m'apporte :

- Il savait vivre, Antonio. Et c'est ça qui l'a tué.

Les Héros InconnusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant