Chapitre 44

52 1 0
                                    

Gaëlle

Ma valise est déjà prête et Mason est en train de la charger dans sa voiture.
Je suis plantée là, debout au milieu du séjour, tenant fermement la poignée de ma bonbonne à oxygène.
Cette maison, ma maison, me paraît immense, bien trop grande pour moi seule, trop grande, pourtant ses souvenirs m'étouffent, trop de souvenirs, trop de cris, trop de pleurs, malgré quelques rires, mais je n'en peux plus. Je n'en peux plus, car sans mes parents, sans mon frère, sans ma tante, je n'arrive plus à voir cette maison comme la mienne. Ce n'est plus pareil. Ce n'est plus qu'une cage renfermant des souvenirs. Des bons. Mais surtout des mauvais. Après l'accident, tout a basculé. Après l'accident les bons souvenirs se sont fait rares ici.

Je ne veux plus y revenir. Je ne veux plus que ces foutus murs me rappellent tout ce que j'ai perdu. Je ne veux plus. Je n'en peux plus.

Alors je me rends dans la chambre de mon frère, et prends sa valise. Je déteste voir cette chambre, tout ces posters que mon frère avait affiché, ça me rappelle encore une fois qu'il n'est plus là, alors je les arrache, j'arrache les quelques photos aussi et je les balance par terre. Les yeux me brulent mais j'en ai assez de pleurer, j'ai déjà trop pleuré pour aujourd'hui. J'en ai assez d'essayer de toujours être forte, ça me fatigue.
Je me rends dans ma chambre, et je mets toutes mes affaires dans l'ancienne valise de mon frère. Je détaches les photos de mon mur et hésite un instant à les jeter, à les brûler même, mais je m'y résigne, je ne veux pas oublier, je ne veux pas brûler les quelques images de certains bons souvenirs. Je vais faire comme je l'ai toujours fait : continuer ce qui reste de ma vie. Et puis, avec Mason, c'est plus simple, de vivre normalement, comme toutes les adolescentes de dix-sept vivent.
J'irai m'installer chez Mason, je ne veux plus remettre les pieds ici, plus jamais. J'irai voir un notaire dans la semaine et je ferai les papiers pour la vendre. Je ne veux pas étouffer dans mes souvenirs.
Je descends ma deuxième valise, Mason m'attend, assis sur le canapé.
—J'irai m'installer chez toi, enfin, chez Meghan, dis-je. Je ne veux plus jamais revenir ici, je n'en peux plus, trop de souvenirs, trop de douleur. Ça m'étouffe.
—Oh. Oui bien sûr, je comprends, tu peux venir, ça ne dérangera pas Meghan, dit-il en se levant pour prendre ma deuxième valise.
—Merci.
Il sort et je me rends dans la cuisine en attrapant mon sac à main; j'y mets tout mes médicaments à la con et une bouteille d'eau, puis je vais déposer le sac à main au seuil de la porte d'entrée.
Je vais chercher des cartons dans la buanderie et commence à y mettre des affaires: de la vaisselle, des livres appartenant à ma tante et toute sorte de chose. Je fais deux types de cartons : «à brûler» et «à donner».
—Gaëlle, qu'est-ce que tu fais ? Me demande Mason.
—Il faut tout enlever. Tout. Je vendrai la maison.
—Mais...
—Écoute Mason, je n'en peux plus, de tout ça, c'est trop ! Je ne peux plus revenir ici ! M'écrié-je en agitant les bras dans tous les sens.
—Ok. Calme toi. Je vais t'aider alors... dit-il en posant ses mains sur mes épaules, pour me calmer sûrement.
—Il y'a d'autres cartons dans la buanderie, occupe toi de l'étage, je m'occupe du bas.
—D'accord, dit-il en s'emparant de deux gros cartons.

                   ******************
Il n'y a plus rien, plus que les meubles et plusieurs cartons entassés devant la porte. Il me reste encore une pièce : la chambre de ma tante. Je reste un instant planté devant la porte, la main autour de la poignée, j'inspire, je souffle et je rentre. À ma grande surprise, il n'y a que deux photos dans des cadres blanc posées sur sa table de nuit. Une photo d'elle et moi et une autre qui a été prise il y a longtemps, avec mes parents, mon frère et moi, assis sur le canapé de notre salon, des cadeaux empilés sur la table basse, c'était pour Noël sûrement. Je les prends et les mets dans le carton « à brûler ».
J'ouvre ensuite son armoire, chaque vêtement est impeccablement pliés, impeccablement repassés, sauf ce sweat. Son sweat toujours taché de sang, froissé, en boule, enroulé dans une énorme couette. Je le mets dans un des cartons « à brûler » et mets tout ses autres vêtements dans un carton «à donner».

                     ******************

J'allume un feu au fond du jardin et y jette chaque carton «à brûler».
Je donnerai le reste à l'association de l'église de mon village.

VIVRE-Tome1 [Terminé-En relecture et correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant