Chapitre 37

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Gaëlle

Je me réveille à cause de la douleur, dégoulinante de sueur, j'appuie mes mains contre ma poitrine qui me brûle, infligeant à tout mon corps une douleur sourde, indescriptible. J'enlève le masque à oxygène et me redresse, je mets ma main contre ma bouche pour étouffer un cri. Je me lève mais le sol tourne trop vite, je m'écroule par terre et ma tête frappe le sol.

Je me recroqueville, je serre mes genoux contre ma poitrine en les enlaçant de mes bras. Mais la douleur revient, encore et toujours plus forte, je pousse un cri, mais je ne peux plus bouger, la douleur est trop forte, insoutenable. Je suis impuissante, tellement faible et j'ai mal, je voudrais que la douleur me submerge pour que ça s'arrête enfin, que cette douleur me tue, là, maintenant, mais ce serait trop facile, je ne veux pas perdre tout de suite, j'ai le droit de vivre encore, je veux vivre encore, j'ai le droit au bonheur moi aussi. Tout le monde a le droit au bonheur.

Je plisse les yeux, essaie de prendre de grandes inspirations mais je ne peux pas, alors de toutes mes forces je hurle le prénom de ma tante, puis je manque d'étouffer, la douleur demeure et m'assiège mais je ne me déclarerai pas vaincue, pas aujourd'hui.

Je crois que la porte de ma chambre s'ouvre. Oui, ma tante m'a entendu et elle est là. Elle se jette par terre à côté de mon corps qui tremble et elle crie mon prénom qui se répète en écho dans ma tête, toujours plus fort.
Elle se lève et s'accroupie à mes côtés pour m'enfiler le masque à oxygène. J'inspire une grande bouffée d'air, puis une deuxième, et une troisième. Mais la douleur ne s'estompe pas. Je ne saurais même pas dire si ce sont mes poumons ou mon cœur qui me font mal comme ça, sûrement les deux.

Ma tante s'assied derrière moi et pose ma tête sur ses genoux. Ses mains au contact de ma peau brûlante me glacent mais me brûlent aussi encore plus. Elle tourne un bouton du concentreur à oxygène et je reçois encore plus d'air. Mais je suis toujours incapable de bouger, de parler, comme dans les cauchemars où nous ne pouvons crier, où nous ne pouvons fuir, seulement je ne rêve pas, parce que les rêves ne font pas mal. Et là, je n'ai aucun échappatoire.
—Je vais y arriver Gaëlle, je te le promets. Tu iras bien, tout ira bien, sanglote ma tante.
Je ne comprends pas de quoi elle parle. Qu'est-ce qu'elle arrivera à faire ? Je ne peux même pas le lui demander. Elle caresse mon front.
—Ce n'est pas juste, tellement pas juste. Mais tu vas vivre, tout s'arrangera, je vais tout arranger.
Mais elle ne comprend pas, rien ne peut s'arranger ! J'irai moins bien de jour en jour, mes crises comme celle là, deviendront de plus en plus régulières, de plus en plus insoutenables jusqu'à ce que je craque, jusqu'à ce que j'accepte d'être vaincue, jusqu'à ce que je signe le traité de paix qu'est la mort. Mais ma vie ne peut s'arranger.
—Tu guériras de ton cancer et tu auras un nouveau cœur.
Mais je ne veux pas d'autre cœur ! Je sais que cette fois je ne guérirai pas ! Mon corps ne pourra pas lutter éternellement !

Ma douleur devient de moins en moins violente mais ce n'est toujours pas supportable, mes muscles me font mal à force d'être contractés, j'essaie de déplier mes jambes, je les allonge doucement et j'ouvre les yeux en me mordant la joue pour ne pas pleurer. Ma tante a les cheveux en bataille, les yeux fermés, le visage trempé de larmes et elle se balance d'avant en arrière, comme si elle me berçait.
—Tout ira bien, chuchote-t-elle. Je ne veux pas te perdre Gaëlle.
Et elle éclate en sanglot, je ressens les vibrations de son corps, et je m'en veux, je m'en veux tellement parce que c'est moi qui la fait souffrir ainsi.
—Pourquoi notre famille n'a t-elle pas le droit de vivre ? Pourquoi ? Qu'avons nous fait ? Pourquoi ne pouvons nous être heureux ?

Elle sanglote encore et moi je retiens mes larmes. La douleur devient plus supportable. Je me relève pour m'asseoir.
—Ça va mieux ?
J'acquiesce et enlève le masque pour dire :
—Je suis désolée Abby... je...
—Ne sois jamais désolée, ce n'est pas ta faute. Je t'aime Gaëlle, dit-elle en hoquetant.
Elle me serre contre elle, j'hésite puis l'enlace également et pose ma tête sur son épaule. Je n'aime pas vraiment les câlins et toutes ces choses là, c'est même la première fois que je me laisse faire avec ma tante.
—Je t'aime aussi Abby, dis-je en mordant ma joue pour ne pas moi aussi, éclater en sanglot.
C'est aussi la première fois que je le lui dit, mais elle doit le savoir.
—Et, reprends-je, je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu as fait pour moi mais je t'en suis reconnaissante.
—Je suis ta tante, Gaëlle, et je t'aime alors tout ce que j'ai fait, c'est normal.
—Mais tu n'en étais pas obligé alors merci.
Elle ne répond rien mais me serre plus fort contre elle.

VIVRE-Tome1 [Terminé-En relecture et correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant