Chapitre 57

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Gaëlle

Cette nuit là, c'est la douleur qui me réveille, une douleur affreuse, insoutenable qui se répand dans tout mon corps, qui m'arrache des gémissements, me tire des larmes, m'empêchant de respirer. 

—Gaëlle ? Gaëlle ! Putain de merde ! Hurle Mason à côté de moi.

Je reste là, allongée, complètement impuissante, otage de mon propre corps, puis je me mets à convulser, je sens mon corps se secouer, je ne peux rien contrôler. Et la douleur, cette douleur, est horrible. Horrible. Jour. La lumière. Mais seulement la lumière, puis une silhouette, Mason, c'est tout ce que je distingue. 

—Meghan ! Crie Mason, complètement paniqué. Meghan putain il faut que tu viennes ! C'est Gaëlle, Gaëlle, elle... dit-il, un sanglot l'empêche de finir sa phrase.

Je voudrais le rassurer, lui dire que ça va, mais je ne peux pas, ma bouche est totalement paralysée, mes muscles sont contractés, et je sens encore mon corps qui se secouent, sans cesse, et cette douleur, partout. Je me mets à tousser. Je sens un liquide chaud et visqueux couler le long de ma bouche, puis dans mon cou. 

—Meghan !

—J'arrive ! J'arrive ! Hurle-t-elle, complètement affolée, elle aussi.

Une deuxième silhouette, un ange, elle ressemble à un ange, sa chevelure blonde, ses courbes harmonieuses. Meghan. 

—Oh mon dieu ! Oh mon dieu ! Gaëlle ! J'appelle les urgences ! J'appelle les urgences ! Reste avec elle, Mason , reste avec elle. 

Il s'exécute, je vois sa silhouette contournée le lit, et je le sens près de moi, je sens sa main chaude sur mon front. J'aimerai la prendre, la serrer dans ma main, j'aimerai qu'il entrelace ses longs doigts au miens, qu'il les serre fort, comme pour me rattacher. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas bouger. La pièce se met à tourner, bien trop vite, comme si j'étais complètement saoule, mais aucun alcool ne coule dans mes veines pour faire taire cette douleur. Mason me soulève pour m'assoir contre la tête du lit, mon corps convulse toujours, et j'ai dû mal à respirer. Mon coeur. Mon coeur bat. Il bat. Très lentement, pourtant il me semble que je l'entends. Et il brûle. Il brûle. Il est en train de partir. Il est en train de m'abandonner, mon coeur. Je le sais. Je le sens. C'est aujourd'hui. C'est aujourd'hui qu'il battra pour la toute dernière fois. Je ne peux plus me battre. Pas contre ça. C'est trop fort. Et toutes mes forces, toutes mes forces sont complètement épuisées. J'entends. J'entends des sons, des syllabes qui ne parviennent pas à s'assembler pour former des mots, des phrases. Pourtant je les entends, la voix grave, profonde et cassée de Mason, et la voix claire de Meghan. Mason me parle, je sens son souffle chaud sur mon front, mais je ne comprends pas. Il pleure je crois, je l'entends renifler. Il ne doit pas s'inquiéter. Il devra juste me laisser partir. Mais je ne dois pas partir maintenant. Je ne peux pas partir sans avoir dit au revoir à Mason. Je ne lui ai pas dit au revoir. Je ne lui ai pas dit ce que je voulais lui dire. Je ne peux pas... Pas partir maintenant. Je dois me battre, juste un peu, encore. Une dernière fois. 

Je sens mon corps qui se soulève, comme si je flottais en l'air. On me porte, des infirmiers, ou des pompiers je n'en sais rien. Ils m'emmènent à l'hôpital. J'entends encore des sons, des sanglots, des syllabes entrecoupées de souffle, des respirations hachées, une porte qui se ferme, des marches qui grincent légèrement, une deuxième porte qui se ferme. Je vois une lumière bleue qui clignote, qui tourne, très vite, trop vite pour que je puisse la distinguer correctement. Il fait nuit, les lampadaires de la villes sont éteints, je ne vois plus rien, seulement cette lumière bleue qui clignote, qui tourne, encore et encore, ce bruit assourdissant d'un gyrophare, qui se répercute dans ma tête, d'une oreille à l'autre. Puis de la lumière, une lumière blanche, aveuglante, une silhouette, puis plusieurs penchées au dessus de moi. Une main, celle de Mason, j'en suis sûre agrippe la mienne. L'ambulance roule je crois, où peut-être est-ce encore mon corps qui convulse ? De l'air. On m'a posé un masque à oxygène il me semble. Je parviens à respirer un peu mieux, mais j'ai mal partout, il m'est impossible de bouger, chacun de mes muscles, chacun de mes tendons sont contractés, et mon corps est parfois encore pris de brusques secousses. Je sens une piqûre. Une aiguille qui rentre sous ma peau, dans mon bras droit. Puis une deuxième dans mon bras gauche. Et le gyrophare. Le son du gyrophare qui s'amplifie. On me parle encore, je voudrais hurler, leur dire que je ne comprends rien, mais je ne peux pas. Et je déteste cette impuissance.

VIVRE-Tome1 [Terminé-En relecture et correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant