Chapitre 19 - Bruine d'été

923 75 22
                                    


Morphine.

Voilà la seule chose à laquelle je pensais ces derniers jours.

Depuis que j'étais à nouveau sur pieds, j'avais dû arrêter d'en prendre. Je cicatrisai certes vite, mais les douleurs étaient toujours présentes.

J'étais donc sortie prendre l'air et fumer mon pétard, nouveau remède contre la douleur. A chaque bouffée, je sentais le poids de la souffrance s'alléger au même titre que mon esprit. Ça avait aussi ses avantages niveau créativité, je voyais beaucoup plus de choses et d'une perspective différente. J'avais oublié à quel point la vie pouvait être facile lorsque l'on planait. Certaines formes dansaient devant mes yeux, et je pouvais entendre chaque instrument d'un orchestre symphonique jouer dans ma tête. Les hallucinations auditives et visuelles faisaient vraiment partie des choses qui m'avaient manquées.

Défoncée, je refaisais le monde et me posais des questions métaphysiques sur ma vie, tout en sachant pertinemment que j'allais oublier tout mon cheminement de pensée une fois redescendue. Cela n'avait pas d'importance, c'était si agréable de se décharger de ses responsabilités ne serait-ce que quelques minutes.

- Alors c'est ça ta cachette secrète ?

San venait de me rejoindre sur le toit, m'arrachant à mes réflexions oniriques pour me ramener à la dure réalité.

- Seulement l'une d'entre elles, répondis-je.

- T'es au courant qu'il pleut ?

Tiens, c'est vrai. Je n'avais pas remarqué qu'une légère bruine s'était mise à tomber. C'était plutôt rafraichissant.

- La pluie t'effraie maintenant ? questionnai-je.

- Non, dit-il en venant s'asseoir à côté de moi.

- Comment tu m'as trouvée ?

- À l'odeur.

- Sérieux ?

- Nan, j'ai demandé à Mika.

J'eus un sourire en coin.

- Il me connait trop bien.

- Il faut croire.

Je tendis mon toncar vers lui mais il refusa mon offre d'un signe de tête.

- Je croyais que tu avais arrêté tous ces trucs là, me reprocha-t-il.

- Je croyais moi aussi. Que veux-tu, personne n'est parfait.

- Je savais pas que t'aimais la pluie, souligna-t-il comme pour ne pas répondre.

- Ça dépend de mes humeurs.

- Et c'est quoi l'humeur du jour ?

Je regardai le ciel qui se couvrait progressivement. De là haut, on surplombait plusieurs immeubles, on pouvait voir la ville s'animer sous nos pieds : les cadres pressées, les ados qui marchent en bande, la mère qui court après son enfant, les couples qui avancent main dans la main. En somme, la vie normale suivait paisiblement son cours tandis que ma vie anormale tournait en rond.

- La mélancolie, déclarai-je honnêtement.

- Je la connais bien, c'est une amie à moi depuis un bout de temps. Parfois, elle vient m'aider à écrire.

- Moi aussi, et d'autres fois elle me fait peur.

- Pourquoi ça ?

- Parce qu'elle me révèle mes angoisses les plus profondes.

Le San et l'interdit (Fanfiction Orelsan)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant