Chapitre 62 - Les gens normaux

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Après l'appel d'Orel, je mis un certain temps à reprendre mes esprits. En revenant à moi, je composai immédiatement le numéro de ma grand-mère pour lui demander si elle allait bien. Au passage, je lui confiai la tâche de prévenir mon frère que je n'avais rien si jamais il appelait. Dès que j'eus raccroché, je saisis immédiatement mon sac et pris la route vers le centre afin de voir si je pouvais apporter mon aide.

Les rues de Paris étaient plongées dans le chaos. Je n'avais jamais vécu la guerre, mais j'avais la désagréable sensation que cela devait ressembler au moins un peu à ce que j'avais sous les yeux. Des gens qui courent, qui crient, qui pleurent. Du sang. Beaucoup de sang. Un véritable carnage. Un certain nombre de personnes s'étaient barricadées chez elles ou dans les lieux publics. Quelques autres s'étaient risqués à sortir pour venir en aide aux blessés. 

Je m'approchai d'une terrasse de café où des corps gisaient par terre. Les tables avaient été couchées pour faire office de remparts. Malheureusement cela n'avait pas suffit. Il y avait des débris de verre et des traces d'impact dans tous les coins. Le gémissement des blessés contrastait avec le silence de ceux qui avaient eu moins de chance. On avait l'impression que le bruit des sirènes nous parvenait de chaque coin de rue aux alentours. Mais le pire de tout, c'était l'odeur. Ça sentait la mort, au sens littéral du terme. 

Je serrai les dents de toutes mes forces pour ne pas tourner de l'œil. Ce n'était pas le moment de flancher ni de rester plantée là à ne rien faire. Les pompiers étaient déjà sur place, mais ils semblaient ne plus savoir où donner de la tête. Au milieu du désordre, j'aperçus une femme seule, assise par terre contre un mur. J'avançai à sa rencontre pour m'assurer qu'elle allait bien. 

- Bonsoir, dis-je en m'accroupissant à sa hauteur. Vous êtes blessée ?

- Rien de grave, affirma-t-elle. 

Elle avait l'air sous le choc. En y regardant de plus près, je remarquai que sa jambe avait une forme étrange. 

- Vous permettez que je jette un œil ? 

- Je crois qu'il y a des gens qui ont plus besoin d'aide que moi, souffla-t-elle les yeux rivés sur un cadavre à quelques mètres de nous. 

- Ecoutez... Je ne peux rien faire pour lui. Mais vous, je peux peut-être vous aider.

Génial Jane. T'es super rassurante là.

- Vous êtes médecin ?

- J'ai un brevet de secourisme. C'est mieux que rien, non ? 

Elle ne semblait pas vraiment se soucier de ce que je pouvais raconter. Elle était complètement ailleurs. Il fallait que je trouve le moyen de la distraire :

- Comment vous vous appelez ?

- Euh... Je... Je m'appelle Clémence.

- Enchantée. Moi c'est Jane. Vous avez des enfants Clémence ? 

- Oui. Deux. 

- Ils ont quel âge ?

- Cinq et huit ans. 

- Vous allez les revoir bientôt, promis-je. En attendant, je vais rester avec vous.

Je lui fabriquai une attelle de fortune avec des morceaux de chaise brisés et un bout de nappe afin d'immobiliser sa jambe le temps que les pompiers s'occupent d'elle. Lorsqu'ils vinrent la chercher, je restai encore un peu dans le coin pour parler avec ceux qui avaient été témoins de la scène. De toute évidence, ils avaient besoin d'évacuer. Alors je les écoutais avec attention. 

Le San et l'interdit (Fanfiction Orelsan)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant